Avec 4680 m d’altitude le Nevado de Toluca (aussi appelé Xinantécatl) est le 4e sommet du Mexique, sa dernière éruption date de 1350 avant JC. Bien calmé depuis, on est en droit de supposer que ça a dû péter gros, sept pointes bordent les 2 km carré du cratère dont le fond est occupé par les eaux potables des lacs du Soleil et de la Lune.
L’itinéraire repéré sur mon manuel du petit randonneur mexicain vise le Pico del Fraile via la Cañada del Oso (Gorge de l’Ours), un tracé direct qui exige trois à cinq heures d’effort à la montée.
Toluca 6h30
Toluca est une ville industrielle dont le charme n’est pas délirant. Excepté l’impressionnant Cosmovitral (un jardin botanique installé dans un ancien marché, décoré de vitraux), on peut aisément zapper sa circulation automobile intense et son architecture trop récente.
J’habite chez un papy maniaque dont la maison est décrite « vintage » dans RB&B. Malin l’ancien… vintage! c’est nettement plus vendeur que « vieillotte », « mal entretenue » ou « déglinguée »…
Le soir précédent, j’avais tenté de lui extirper quelques infos logistiques pour me rendre au volcan histoire d’éviter les agences de tourisme à 1000 pesos. Interloqué devant tant d’audace, il avait prédit l’échec cuisant de mon entreprise.
« Non impossible, il faut prendre le taxi, marcher 14 km et de toute façon tu vas te perdre dans la montagne. »
Merci papy JC pour ton enthousiasme et ta connaissance des lieux.
Gare routière de Toluca, 6h30 disais-je,
Le bus de Texcaltitlán est à moitié vide. Pour 48 pesos (2.25 can$), il me dépose une heure quinze plus tard à Raices, pile au croisement de la route carrossable qui mène à l’entrée du « Parque Nacional Nevado de Toluca« .
Un autre ambitieux randonneur descend du bus.
Ritalo-british, fervent des Dolomites, Giacomo n’a pas plus d’infos que moi sur l’ascension; d’un optimisme sans faille, son but et sa démarche calquent mon projet. Le courant passe, nous attaquons la distance ensemble sur ce large chemin praticable, le pouce levé… On ne sait jamais.
Huit véhicules nous snobent, le neuvième s’arrête. Carlos et Sylvieta, un couple Toluciens nous embarquent dans leur Punto, bien qu’un siège d’enfant réduise passablement l’espace sur la banquette arrière. Nous atteignons l’entrée du parc en 15mn, nous venons de zapper la partie barbante de la rando.
Parque de los Venados
C’est un stationnement truffé de boutiques de souvenirs, buvettes et restaurants duquel des camiones autorisés chargent les cossards.
Destination?
Un spot à trente minutes de marche du cratère via la pente la moins marquée du volcan.
Cent pesos l’aller-retour, une misère, entre panier pique-nique, bières et caisson de basse sur l’épaule, les candidats se pressent.
Très critique à propos de ce type d’accès, je dirais pourtant que cette façon de parvenir au cratère permet de gagner du temps quand on à l’intention d’y descendre et de l’explorer. De nombreux chemins parcourent le fond, des circuits VTT existent, une cabane entre les deux lacs permet même d’y dormir…
De fait, cet accès motorisé fait du Nevado de Toluca, le presque 5000 m le plus facile d’accès du pays.
Pas mon trip naturellement, mais baraka ! Carlos et Sylvieta, nos chauffeurs, visent, comme nous, le Pico El Fraile, le plus haut des 7 sommets du cratère. Carlos connait le départ du chemin, son itinéraire, sa sinuosité. Y a plus qu’à suivre.
L’ascension de la pointe de Fraile
Cette randonnée de haute altitude (dénivelé 1100 m, distance 10 km) attaque donc à 3600 m par une forêt de conifères. Vers 4000 m la végétation s’essouffle.
Tel la mère qui donne le sein en courant pour une raison qu’on ignore, le marcheur moyen…halète. (hum… j’avoue).
Sorti des pins sylvestres, le terrain se fait « caillouto-sableux », l’itinéraire est maintenant évident sur cette ligne de crête dite de l’Ours.
Les deux heures trente restantes ne sont qu’agrégats volcaniques, cailloux instables et rochers incertains qui imposent à la pose des pieds une attention de tous les instants. Glissages intempestifs, faux pas, perte d’équilibre, chute, la pente est rebelle, abrupte, difficile à négocier (surtout en baskets). Cela dure cinq antécimes avant de rejoindre le bord du cratère (4530 m).
Sylvieta et Carlo marchent d’un pas plus mesuré, prennent plus de pauses. Respect du rythme de chacun, c’est la règle dans ce genre de promenade, avec Giacomo, nous allons peu à peu prendre le large. Nous les retrouverons dans la descente, eux à moins de 100 m du but, et les encouragerons à grimper le dernier contrefort.
Giacomo et moi parvenons ensemble au bord du cratère, poussons jusqu’au vrai top. Nous nous kodakons, le sentiment du devoir accompli.
Toi que la nature a doté de deux pieds gauches et d’une oreille interne rebelle, restes sur le bord du cratère, le panorama est le même et c’est déjà du bon boulot.
Descente en botte de sept lieux
La descente est aussi délicate que la montée, la pente tente de m’entrainer, elle y parvient régulièrement. En bon (ex)montagnard, je me la fais façon cabri.
Chaque pas/saut calcule le spot de réception du pied, anticipe la pose du suivant, l’oeil repère, le pied vise, la décisions est express en cas d’erreur ça glisse mais pas assez longtemps pour perdre l’équilibre. J’enchaîne les sections en les ponctuant d’arrêts courts sur des espaces devinés stables… Avant de reprendre à la même allure.
C’est un plaisir, une sensation de maîtrise du geste, adrénaline en poche que je ne m’étais pas offert depuis longtemps. Génial.
Arrivé au pierrier sableux, cela prend des allures de télémark sur les semelles, impression de pas de géant presque d’envol. Les pieds s’enfoncent, glissent longuement, les graviers bourrent les tennis, s’immiscent dans les chaussettes. Je retrouve des sensations apprises au Mont Blanc lorsque nous revenions par les couloirs pierreux sous les grandes voies grimpées à l’envers des aiguilles…
Euphorique.
Cerveza, tacos, sieste au soleil, Giacomo partage son chocolat (fouchtra que ça fait du bien).
Carlo et Sylvieta nous rejoignent 2h plus tard et nous ramènent à Toluca. C’est-y pas de la bonne étoile ça? Il reste à me décrasser les pieds saturés de poudre volcanique noire, brosser mes chaussures et porter mon sac à la laverie.
Aujourd’hui, la chance dans la besace, je constate que ma condition physique en altitude reste correcte, exempte du mal des montagnes et que le fun domine l’effort. C’est bon pour mon projet de trekking en Inde avec Michel. (S’il se décide à cesser d’encaisser mes com’ sur mes trafics immobiliers 😂… Et qu’enfin, il prenne sa retraite).
Vidéo de cette rando
Partage du paysage, j’ai trouvé ceci sur Youtube. C’est exactement notre itinéraire (à 5:09, on reconnait une photo de cet article), je vous la fais démarrer à 3 mn, car avant c’est du blabla.
Chronologie du voyage:
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