- Guanajuato, ex-ville minière (or et argent) du centre du Mexique se distingue par sa configuration géographique rare, la flamboyance de ses façades et un vaste patrimoine hispanique.
Capitale de l’état éponyme, 150 000 habitants, Guanajuato se blottit dans une vallée étroite à quasi 2000 mètres d’altitude. Au mois de mars, cela donne 20 degrés dès 10h le matin qui montent gentiment à 25 avec brise en après-midi.
Répertoriée au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1988, la ville entretient une activité culturelle intense autour d’une architecture coloniale riche et de son université particulièrement réputée:
- Églises baroques à foison
- Théâtre Juarez magistral
- Université imposante et active tout azimut
- Centre de recherche
- et bien-sûr, la Basilique Notre Dame, murs orange et dôme rouge sur la photo.
Coup de corazon intégral
Joyau de tranquillité, silence dominant, le paradis est au coin de la ruelle.
Guanajuato se niche sur les pentes d’un relief sans vrai fond de vallée. L’étroitesse des rues limite la circulation automobile au point d’être piétonne à 90%.
Le plan dessine des dizaines de voies escarpées peu rectilignes, dont les croisements, jamais à angles droits, débouchent sur de charmantes placettes isolées, ombragées d’un arbre ou deux.
Ces petites aires souvent équipées d’une fontaine, de quelques bancs en fonte aux armoiries des donateurs constituent des « cases repos », récupération plutôt méritée vu les efforts à déployer pour les atteindre.
Parsemée de sculptures, la ville rend hommage à ses icônes, à la culture hispanique et aux symboles qui font la ville. Par exemple, Cervantes et Don Quichotte (citoyen d’honneur), figurent parmi les personnages les plus déclinés tous styles et matières confondues.
(5 représentations de Don Quichotte… bronze, alu, acier. Cliquer sur les images pour les agrandir et les faire défiler)
Ce dédale de ruelles anarchiques intègre aussi un réseau de tunnels dans lesquels disparaissent les autos. Chapeau au Génie civil des années 1950 qui a rationalisé tout cela! La circulation souterraine (8km en 23 tunnels) est intégrée au quotidien par des accès piétons que les locaux maitrisent à la perfection. Chaque tunnel raconte sa propre histoire et conserve secrets et légendes à découvrir.
Dans les rues
Coté animation, les baladins pullulent tous talents confondus.
De l’aveugle qui chante faux pour subsister aux fiers groupes de mariachis vêtus de charros pailletés en passant par les danseurs macabres, les troubadours à mandoline cirée (et costumes d’époque), il n’est pas nécessaire d’attendre la fin de semaine pour s’offrir un spectacle, une sérénade sur le parvis de la Basilique ou les marches du théâtre Juarez.
Vendeur en madrigal
Le cachet de la ville doit aussi beaucoup aux « vendeurs autorisés » qui revêtent le costume madrigal. Leur élégance ne laisse personne indifférent. Cet habit de velours aux épaulettes saillantes, manches bouffantes, dentelles bleu et blanches, chaussures impeccables, chaussettes et knickers noirs, c’est leur accroche. Ils détonnent au milieu des jeans-tee shirt de la population.
Mais attention! Ces gars-là sont redoutables, une fois ferré, tu leur achètes tout ce qu’ils veulent:
- Une table au restaurant du coin?
- Un tour de ville qui inclut le musée des momies et la statue du Pipila ?
- Une visite des mines d’or et d’argent?
- Le tour spécifique des sculptures de la ville? (vrai trait de personnalité de la cité).
- Une procession musicale à 19h?
- Un tour à la bijouterie?
- L’entrée au château Sainte Cécile?
- La présence de Cervantes et Don Quichotte.
Je suis marri de n’avoir pas réussi une photo potable, (je hais prendre des photos de gens masqués covid, ils le sont par obligation). De plus, je n’ai pas cherché à copiner avec l’un de ces vendeurs aussi efficaces qu’endimanchés.
L’espace étant hyper limité, les quelques rues où circulent les autos sont des sens uniques; aucun dépassement possible, pas d’excès de vitesse non plus, quasi pas de stationnement hors des quelques parkings creusés dans la montagne.
La piétonisation va de soit puisque imposée par la géographie du site; en revanche, là où circulent les autos, la largeur des trottoirs impose aux piétons de se croiser à l’Égyptienne…
Chaque maison est peinte selon l’inspiration de son proprio. De loin, cela diffuse des tableaux impressionnistes dont je ne me lasse pas; chaque jour je tente de me perdre dans ce dédale.
Je m’égare plus que je ne me perds car en marchant vers le haut, on rejoint une route panoramique alors que la descente se termine immanquablement dans l’artère historique, dite « El centro » . Celle qui concentre le bâti des Conquistadors du XVIe siècle venus chercher fortune dans les mines aurifères.
Air conditionné
Agréable, l’étroitesse des ruelles agit comme un rempart contre la chaleur qui sévit dans l’après-midi:
- Trop étroites, le soleil n’y entre pas;
- Une brise légère aère en continu ces couloirs aspirateurs.
Propice à la randonnée et aux promenades bouffies de surprises, temple de la quiétude, je décide de me poser une douzaine de jours, le temps de rattraper mon retard de blogueur.
Écrire est plus facile lorsque tu as la paix et le temps de prendre ton temps.
Se promener au hasard
100% abrupt, l’enchevêtrement des rues, ruelles, venelles, allées, passages, escaliers offre mille promenades qui ne doivent avoir d’autres buts que les surprises qu’offre ce labyrinthe multicolore.
Des fresques, des murales, un lampadaire ancien, des azulejos incrustés dans les murs, des arbres parasols « victimes » de l’art topiaire et ses bancs salutaires.
La légende de la princesse de la Bufa
On dit qu’au Cerro de la Bufa (montagne de la Bufa) – Une beauté fatale ensorcelée, princesse de son état apparaît matutinalement tous les jeudis fériés de l’année, espérant rencontrer le galant qui la conduira à l’autel principal de la Basilique de Guanajuato. On le dit…
La légende affirme qu’en cette circonstance la donzelle retrouvera sa condition humaine et que les mines de la cité regorgeront de nouveau des précieux minerais dont raffole tout à chacun.
… Forcément, y a des conditions à respecter.
Le bellâtre devra porter la belle du sommet de la montagne à la basilique sans regarder ailleurs que devant lui, alors que « des voix enchanteresses » tenteront de l’allumer. (Heu… Ulysse, Circé y aurait pas plagiat là?)
Au cas où l’élu se laisserait distraire, la princesse des jeudis fériés se transformera en serpent venimeux tandis que lui sera maudit jusqu’à la 3e guerre mondiale.
Bien que les bénéfices paraissent alléchants, aucun Cupidon n’a tenté de défaire le sort jeté à la bougresse…
Rando engagée
En marge de la légende, il reste que grimper au sommet de la Bufa constitue une jolie randonnée de 3 ou 4h depuis la ville dont certains passages apparaissent vaguement acrobatiques (sur la fin). Ce dernier ressaut garantit au promeneur-grimpeur une certaine tranquillité au sommet près de la croix et de la petite vierge qui veille au grain…
Profitant de la chance, j’ai parcouru ce chouette chemin avec Felipe et Delphine rencontrés à l’auberge de jeunesse. Purs et durs routards, prolixes, agréables, leur palmarès-destinations m’est apparu aussi impressionnant que passionnant.
L’hostalito Casa Alebrije
À Guanajuato, mon auberge de jeunesse n’a pas toutes les qualités mais je l’aime bien.
Pièces peu profondes, mal éclairées, meubles vieillots et bancals, escalier d’accès banzaï, escalier vers le second en colimaçon parmi les plus étroits du monde, carrelage sans âge et murs tapissés de tableaux réalisés sur des vieux journaux au Ripolin de base.
L’auberge est des plus intimes puisqu’elle n’accueille que quatre convives dans un « dortoir » et deux autres en chambre privée.
Tarif plancher imbattable de 12 $ la nuit, petit déjeuner inclus. On se retrouve là entre radins, plus préoccupés de la durée de notre voyage que du confort quotidien.
J’y rencontre:
- Felipe et Delphine couple franco-espagnol,
- Max le russe, pas fier de l’être en ce moment,
- Giovanni, « marchand d’art » des Pouilles,
- Mathias allemand vagabond comme on en voit peu.
Tous entre 35 ans et moi, les auberges de jeunesse n’ont plus de jeunesse que le nom, je suis même souvent surpris de la rareté des moins de 30 ans.
En ce qui me concerne, je préfère être le doyen d’une auberge de jeunesse que le benjamin d’une maison de retraite!*
Cette petite bande reste là plusieurs jours. Cela nous permet de nous connaitre et d’installer des habitudes (roulement à la cuisine, salle de Bain, etc). Échange, partage de racontage, de conseils, plans et idées, c’est un pan positif notable de mon séjour à Guanajuato.
Un baiser à 150 pesos (10$)
Dans la ruelle du baiser, deux balcons se font face. En businessmans du romantisme à deux balles, leurs propriétaires ont mis au point une entreprise lucrative :
- L’accès au balcon de droite, 50 pesos,
- l’accès au balcon de gauche, 50 autres pesos
Comme à gauche l’appartement est aussi doté d’une fenêtre de laquelle le shooting de la scène frôle la perfection, il reste aux amoureux à allonger 50 pesos supplémentaires afin d’immortaliser un acrobatique baiser « à travers la ruelle ».
Les couples défilent, les proprios encaissent et se réjouissent devant tant d’amour déballé sur leurs balustrades…
La légende exploitée
Cette course au baiser tient naturellement à une légende, je vous la fait courte.
Ana, fille unique dont le riche et protecteur père ne prend pas le concept de vertu à la légère est courtisée par Carlos, mineur des plus humbles. Lorsque le dabe apprend l’idylle, il enferme la fillotte dans sa chambre et la menace de couvent.
Or, le balcon de la piaule donne sur une ruelle étroite, si étroite (68 cm) que, du balcon, on atteint facilement celui du voisin d’en face.
Ana et Carlos profitent de la configuration pour se voir, se toucher la main et même s’embrasser. (Aaarrglll, petits fripons!).
Quand le père a vent de l’affaire, il tue Ana, pan. (Allez hop! Non mais des fois!)*
Moralité en un alexandrin : Si ton père est un con, ne baise pas sul balcon.
Arrivés là vous avez gagné 4 mn de promo de l’office du tourisme.
*j’ai trouvé un autre récit de cette légende qui parlait de Carmen et Luis… mais ça finit pareil!
*Mieux vaut être le doyen d’une auberge de jeunesse que le benjamin d’une maison de retraite!
Merci à Isabelle Chicoine pour la formule
Chronologie du voyage:
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