La prestigieuse compétition que se livrent les écoles de Samba lors du carnaval a failli ne pas avoir lieu à Sao Luis cette année.
N’ayant pas reçu les subsides de la mairie, elles ont tout simplement annulé leur participation. Couillu, quand on sait qu’elles s’y préparent depuis des mois!
– Quoi? Le carnaval sans école de Samba!? Ben là!
– Oui, ça a failli.
Grosse affaire, scandale, discussions, négos serrées; Une entente est trouvée mais un peu tard.
Les écoles de Samba exprimeront finalement leurs talents sur le Sambodromo deux semaines après le carnaval de rue, une fois le frusquin dans la sacoche.
Aérodromes, hippodrome, vélodromes, Montélimar (dans la drôme), pourquoi pas sambodromes? Le vocable a l’avantage d’être clair, non?
Rencontres à Sao Luis
Ça faisait un moment que j’étais en Web-contact avec Fernando lorsqu’il me whatsappe une invitation à la répétition de la ’’Favela do Samba’’.
J’apprends alors qu’il manie l’agogô, (instrument en forme de cloche sourde) dans l’orchestre de l’école de samba vainqueuse ex æquo de la compétition 2023!
Inattendue, je reçois cette invitation dans les coulisses de l’école comme une chance inouïe.
À ce soir!
J’entraîne dans l’aventure, Frédérique et Christophe, sympacools limougeauds croisés dans une gargote deux jours auparavant.
Dans l’antre d’une école de samba
L’atelier de ’’Favela do samba’’ n’a rien en commun avec le gigantisme de samba city, le quasi parc d’attraction qui regroupe les hangars des prestigieuses écoles de samba de Rio.
De la taille d’une cour d’école, cet artisanal repère offre:
- Une aire de circulation ouverte pour danser, travailler les déplacements collectifs;
- Un stationnement pour les plateformes sur roues ( bases des chars );
- Un atelier de fabrication des décorations.
22h, doucement la chaleur choit, les percussionistes enclenchent le mouvement, les danseurs, calés sur leur tempo, envoient une prestation fracassante. Pas un couac, chaque entité du cortège occupe un espace précis, exécute son programme. Aucun accro n’est révélé. Ça dure l’heure dont ils disposeront pour briller sur la piste blanche du sambodrome. C’est calé, ça déménage, ça laisse pantois.
Un tour dans l’atelier
Dans l’atelier, à 15 jours de la fête, les quatre chars semblent encore désuets. Fernando explique que, trop fragiles et trop encombrantes, les plateformes sont conduites au sambodromo, leurs agencements en morceaux. L’assemblage est finalisé sur place.
Euclide
Le sourire avenant et la bière leste, Euclide, patron de Favela do samba s’intéresse à nous.
– Euclide? Comme le gars de la géométrie en 4e?
– Oui, c’est son prénom.
Sourire. C’est drôle comme un rien te fait remonter le temps, un picotement aux zigos en prime.
Avec Euclide on échange en une langue hybride aux racines latines (et non grecques),le courant passe. Au bout d’un moment, le coquin me sort:
– Ça te dirait de défiler avec nous ?
– Wow, j’adorerais naturellement, tu crois que c’est jouable?
– Faut voir…
Instantanément, je lâche l’ataraxie propre à ma catégorie d’âge. Ma cervelle se met à carburer bien au delà de la vitesse autorisée, j’évalue un à un les paramètres et tente de débouter les évidentes limites de cette perpective.
Rôle, travail de préparation, costume, répétition, présence à Sao Luis… Est-ce vraiment loisible?
Faut en causer…
Foin du suspence, ça ne s’est pas fait.
Fut-ce une boutade? Euclide ne reviendra pas à la charge malgré une paire de timides relances au cours de la semaine (il avait logiquement d’autres chats à fouetter). Ça m’aurait quand même méchamment botté.
La parade des écoles de samba sous différents angles
Ticket d’entrée
Pour accéder aux tribunes gratuites du sambodrome, il faut un ticket. Fernando pensait qu’en nous présentant aux guichets vers 17 heures cela serait dans la poche.
On se pointe donc la fleur au fusil à l’heure du goûter, les guichets sont déserts, on nous apprend que les billets du vendredi ont été dispersés à 14heures.
Le lendemain, les limougeots et Meu prenons sagement la file à 13h. Les sésames ne seront distribués qu’à 17h dans une cohue des plus haïssables… Maudits pousseux!
Cinq heures d’attente! Certain que sans la compagnie de Frédérique et Christophe j’aurais dix fois laché l’affaire… Bref, on sera assis dans les tribunes ce soir.
Vendredi soir dans l’antichambre des parades
Particulièrement animé, l’ultime kilomètre en amont du Sambodromo offre une agréable déambulation. L’effervescence qu’impose la mise en place de cette grosse machine (plus de mille participants dans chaque école) est évidente.
- Montage et finitions des chars jusqu’au dernier moment;
- Habillage, maquillage, échauffements, répétitions des artistes;
- Ajustements, coordination des collectifs, des sections qui préludent à l’entrée en piste.
Les sections (alas) s’ordonnent pour leur entrée dans l’arène. Les techniciens peaufinent l’assemblage des chars et soignent leur apparat.
Je note que les matériaux qui sont si éblouissants de loin sont en réalité désarmants de simplicité pour ne pas dire vraiment cheap.
- papier d’alu froissé usagé (traces de flammes dessus),
- tissus raccommodés,
- intissés recyclés,
- fragiles bandes de polystyrène à tout faire
- papiers peints à la bombe.
Depuis les tribunes du sambodrome tout cela fait parfaitement illusion. Bravo pour le recyclage les gars!
Finalement, je recommande chaudement cette expérience dans les coulisses du spectacle pour:
- en connaitre les réalités,
- la richesse des photos possibles et
- la convivialité dont les artistes ne se départissent jamais malgré l’importance des enjeux.
Au fil de la soirée, les écoles de samba dispaissent en dansant vers les lumières du sambodrome. Grandiose.
Samedi, le défilé depuis la tribune
Structuré en alas
- Le défilé de chaque école de samba est divisé en plusieurs ’’alas’’ ( sections ) de 60 à 110 participants identiquement costumés.
- Chaque’’alas’’ présente une chorégraphie qui s’intègre harmonieusement dans la thématique défendue par l’ensemble.( celle deFavela do samba est
« Presentes de Olorum: as pérolas negras de Maranhão são carregadas de axé »
Mon traducteur ne me sort rien de compréhensible, alors si vous avez le portugais dans le sang, merci pour une proposition de traduction. - Les chars, plusieurs tonnes, placés entre les ’’alas’’ sont poussés par des hommes de l’école ( moteurs interdits ).
- Leur agencement aussi fantastique qu’il soit ne servira qu’une fois.
- La bateria (orchestre de percussion) bat ses propes compositions.
- Les chorégraphies sont aussi leurs créations
À Sao Luis, 10 écoles de Samba se mesurent en deux catégories au cours de deux soirées de compétion ( 22h – 03h ), si tout cela commence à l’heure.
Je vous invite vivement à lire ce court article des critères de jugement du concours, il concerne Rio, mais les références sont similaires et le vocabulaire est le même que celui que j’emploie ici.
Finalement, les parades ne commencent qu’à minuit, les écoles de samba se succéderont sans temps mort jusqu’à 5h30.
Depuis la tribune, mon regard plonge sur un ensemble brasillant. Les alas se succèdent sans jamais se ressembler, elles défilent dans une esthétique on ne peut plus festive.
Allegresse, ravissement, félicité ruissellent de chaque participant.
L’accoustique du Sambodromo exacerbe l’intensité des frappes. Ras, boums, dings, toctoctocs les orchestres de percussions sont redoutables d’efficacité.
- Surdos (trois types),
- caisse claire,
- repique,
- hochet,
- tamborim,
- cuíca,
- agogô,
- reco-reco,
- pandeiro,
…je ne sais pas tout.
La centaine de joueurs entraine sa bande sans jamais faillir, décuplant l’enthousiasme du public.
Un public qui bien qu’il se soit battu pour gagner son siège, se tient plutôt debout.
Le bonheur de défiler des écoles de samba est pleinement perceptible tant sur le plan collectif que sur le sourire de chacun
Je vous laisse ce chouette diaporama ( photos de drone ) et ce montage vidéo à la gloire de l’école gagnante « Marambaia do samba » en guise de conclusion. À priori elle fonctionne où que vous soyez.
Info classement
Vous vous demandez peut-être quel classement atteignit Favela do Samba?