La randonnée vers le monolithe de Bernal était depuis longtemps sur la liste des chouettes endroits où aller traîner mes baskets avant de…
L’envie d’y grimper était induite, forcément avec ce look!
Depuis le Peñol de Guatape (mars 2021), je me suis remis à l’escalade en fréquentant « Le Mouv » une salle de bloc sise à deux pas de chez moi.
[Von Sacher-Masoch n’étant jamais loin, les séquences hebdomadaires auxquelles je me suis adonné m’ont rappelé:- Les délices de la discipline et la rigueur de ses techniques;
- La réalité physique des gestuelles à engager;
- Mes douleurs articulo-ligamentaires (lourd historique hospitalier combiné à ma soixantaine bien entamée).
Quoi qu’il en soit, me voilà à Querétaro avec la ferme intention de fréquenter le sommet de la Peña de Bernal quitte à emprunter la voie la plus classique. Au-delà d’une pseudo performance, dominent en moi le goût pour la verticalité, l’esthétique de ce sport, la convivialité et la solidarité d’une cordée en mouvement.
La Peña de Bernal
Pur discours marketing, on présente cette pointe rocheuse de 350m comme le 3e plus grand monolithe de la planète, sauf que les références sont diverses:
- Erasmusu le classe après le Rocher de Gibraltar et le Pain de Sucre à Rio de Janeiro (« Pão de Açúcar »)
- Wikipedia cite plutôt les Monts Augustus et Uluru (Ayers rock), tous deux en Australie.
Sachant que « Ben Amira » dans l’Adrar mauritanien fait 550m et que le Nose au Yosemite dépasse les 1000m, on a un vrai problème de définition ou de concept de « monolithe naturel »… Bref!
Pour les locaux, le rocher est avant tout un symbole cosmique de cérémonies anciennes. Aujourd’hui encore lors des équinoxes, les villageois les plus téméraires (éventuellement les plus bourrés) gravissent le promontoire sans équipement, une tradition banzaï qui se situe sur le vaste carrefour » rite / fête mystique / engagement religieux / culture populaire ».
Ce jour là, l’interdiction municipale de grimper sans assurance en prend un coup.
Logistique
À peine mon sac posé à la très colorée auberge de jeunesse « El Mexa », je file fureter dans le centre historique de Querétaro, son cachet colonial mérite bien cela.
Sur la place de la Constitution, je repère une guérite de l’office du tourisme. Après avoir expliqué à la préposée être à la recherche d’un grimpeur pour aller à la Peña, elle décroche son téléphone.
Détail qui n’en est pas un, je laisse échapper mon laptop, il s’écrase sur la chaussée, je le reprends… L’écran ressemble à un parebrise qui aurait mal négocié une pluie d’enclumes. L’appareil reste allumé mais la batterie ne se charge plus. Les 3 jours suivant la grimpe se transformeront en course à la sauvegarde et « réparation » de mon précieux outil de blogue.
Il reste que la dame est efficace puisqu’elle me donne un numéro qui va se révéler précieux dès l’heure qui suit.
Alfredo, une bonne pâte!
(Juste pour le jeu de mots que je ne puis réprimer 🙂 ).
Alfredo c’est la rencontre qui va faire de mon séjour à Querétaro, l’une des plus chouettes étapes de ce voyage, malgré le bris de mon PC.
Il est :
- Grimpeur averti, guide, moniteur,
- ouvreur, équipeur,
- impliqué à la fédé mexicaine d’escalade,
- humain, gentil, amical,
- respectueux de mon expérience de grimpeur.
Durant l’ascension, il va me traiter en collègue, en partenaire, en ami plutôt qu’en client, une approche de confiance et de partage du plaisir de grimper, on ne peut plus satisfaisante…
La Peña de Bernal est son terrain de jeu favori; il en connait les contours, les légendes, les traditions, les drames et surtout les voies qu’il a en partie équipées et rééquipées. Alfredo reçoit ces jours mêmes, César, un client-ami qui vient de Villahermosa à l’assaut de cette majestueuse tour. Ils sont prêts à m’intégrer à leur cordée.
Nous nous rencontrons à l’auberge le soir même, Alfredo m’apporte une de ses « vieilles paires » de chaussons d’escalade, condition sine qua non puisque je ne traîne jamais les miens en voyage.
Coup de bol, même pointure que bibi, top-là, à demain 6h.
Programme:
- Prise en charge de Querétaro, 1h de route vers San Sebastian Bernal
- Prêt des chaussons, sac de jour, cuissard, etc,
- Escalade par la voie de l’arête occidentale, 5 longueurs, max 6a – (5.10)
- Inclus, une collation et un arrêt jus de fruits.
Royal, cela s’appelle être cocooné.
San Sebastián Bernal
La France a « ses villages fleuris », le Québec dispense un label des « plus beaux villages ». de la province,
Le Mexique répertorie quant à lui 121 « pueblos magicos » * à travers le pays.
Guanajuato , Morelia , Valle de Bravo, San Sebastian Bernal … en font partie.
Les façades se parent de teintes vives allant du jaune canari à différentes variantes d’ocres langoureux, l’oeil ne peut qu’être flatté. Petit mais efficace, le pueblo double la mise en figurant sur la route des vins et du fromage du pays. Les boutiques, les cafés et restaurants s’enorgueillissent d’un tourisme familial plutôt tranquille.
L’escalade de la crète occidentale
Le temps nous est compté, nous prévoyons entre 4 et 5 heures pour accéder au sommet et en redescendre. On rentre le soir même à Querétaro. Alfredo gare l’auto juste en dessous du monolithe.
Le chemin conduit les promeneurs jusqu’à une plateforme naturelle située à peu près au trois-quarts du rocher.
Les grimpeurs quant à eux, esquivent le chemin principal par la gauche en franchissant une porte qui donne accès aux voies équipées.
Notre voie, c’est 5 longueurs dont les deux premières présentent quelques pas techniques justifiant sa classification, les prises sont ensuite plus évidentes et l’inclinaison moins marquée, la simplicité des ces longueurs sublime le plaisir de prendre un peu de gaz*.
Trois heures plus tard…
Nous atteignons le sommet dans les temps, les manœuvres de cordes n’ont engendré aucun retard. J’ai particulièrement apprécié la qualité de communication de la cordée, notre entente permanente et la fluidité de notre trio.
J’imagine que c’est aussi le cas pour Alfredo qui décide de nous inviter, César et moi, le soir même chez lui pour un barbecue avec ses amis, son épouse colombienne et sa petite fille de 4 ans. Empathique, il me présentera Saul qui va me conseiller pour la réparation de mon laptop.
Un détour par Décathlon à 10km de là, le soir, il jouera encore au taxi pour nous ramener, César et moi à nos hébergements.
Je n’ai, aujourd’hui encore pas les mots pour exprimer le bonheur de cette journée, la richesse de ces rencontres et la noblesse d’Alfredo.
Gracias amigo!
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* 121 « villages magiques »
Pour recevoir ce titre, les populations locales doit mettre en place un comité ou une association touristique qui reste en communication constante avec le gouvernement central. L’objectif de cette initiative: inciter les visiteurs, trop souvent attirés par les plages mexicaines, à sortir des sentiers battus et à découvrir d’autres attraits mettant en valeur l’histoire et les traditions, voire la gastronomie de chacun de ces villages.
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Liste des pueblos magicos
Prendre un peu de « gaz » = Notion de vide, d’altitude.
Chronologie du voyage:
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