Riosucio est une petite grande ville, restée rurale. À la fois trop grosse et pas assez « typique », elle ne présente aucun monuments à l’architecture exceptionnelle ou de sites remarquables et ses rues n’affichent pas de façades chatoyantes.
Au contraire on sent bien que la population manque de pesos pour finir ou peaufiner leurs enduits et mettre en valeurs des bâtiments qui, à quelques exceptions prés n’ont de toute façon rien d’ancestral, colonial ou simplement remarquable.
Et donc.
Riosucio fait partie des lieux qui ne bénéficient que d’un tourisme local entendez par-là que rares sont les gringos qui s’y arrêtent et que presque 100 % des visiteurs étrangers qui y séjournent sont colombiens.
Des connaisseurs en vérité.
Nul gringo ne s’aventure ici, jamais un bus Pullman ne débarque sa horde de voyageurs pressés, Kodak en bandoulière prête à mitrailler les clichés potentiels de la ville… Les rares passeports étrangers qui traversent la ville, n’y sont qu’en transit, direction Jardin, charmant village éminemment plus réputé, plus fancy, plus « instagramable ».
Et c’est tant mieux… Mais quelle erreur !
Riosucio est un havre de paix, un creuset de culture Colombienne, une fontaine de vie quotidienne et de respect des savoirs traditionnels. Ceinte d’hectares agricoles, arboricoles et de végétation tropicale, cet environnement est sa richesse, sa manière de vivre, il forge ses savoir-faire en plus de nourrir sainement sa population.
Café bien sûr, banane, platano, canne à sucre, papaye, ananas, mangues, maracuja, Guanabaya, papaye, goyave, pitaya, granadilla, carambole, mangoustine, Higo, lulo, nispero, curuba, badea, tomate d’arbre, papayuela, chirimoya (rouge ou oranges), Feijoa.
Combien de ces fruits avez-vous déjà goûté ?
Et je ne parle pas de ces mille légumes du marché qui font le bonheur de l’assiette végétarienne…
Riosucio la perle de l’Ingruma
Riosucio est propre, très propre, une cohorte d’employés balaient et ramassent sans relâche la moindre trace d’incivilité de fâcheux et autres inconvenants.
Les deux parcs du centre-ville furent jadis le cœur de deux villages longtemps en conflit. Aujourd’hui réconciliés, Diable (et non Dieu) merci ! par le carnaval, l’événement phare et fédérateur du Caldas, malheureusement annulé ce 2021 pour cause de virus.
Chanceux que je suis, j’habitai à Pueblo Viejo, 2 km de la ville, un hameau sis 200m plus haut dans la pente qui offre à chaque virage de sa route serpentine, une vue sur la région digne des plus belles chaînes de montagnes qui m’ait été donné de voir. Himalaya inclu.
Une navette dessert le hameau de façon régulière, 48 h ont suffi aux chauffeurs pour me repérer et m’intégrer à leurs clients réguliers, m’appelant par mon nom, connaissant mon arrêt et m’accueillant chaque jour par quelques interjections fortes et amicales.
Les parcs sont verts, simples, mais élégants, leurs bancs accueillent, enfants, ados, familles, amis ou anciens, le temps d’une crème glacée, d’un jeu ou d’un repos probablement bien mérité.
C’est un lieu de vie, de réunions, les kiosques de bouffe de rue, boissons ou vendeur de fruits prêts à déguster attirent la population et maintiennent l’animation fort tard dans la soirée.
Je n’ai pas vu passer mon mois de janvier, chaque jour j’avais quelque chose à faire, des chemins à parcourir, un village à visiter, des rues à flâner, un sommet à randonner, des invitations à honorer, des gens à rencontrer.
Les gens! parlons-en. À partir d’un seul contact (Anibal dit El profe) je fus en moins d’une semaine :
- invité par le comité organisateur du festival de musique;
- intégré à une fête privée avec de vrais musiciens faisant le bœuf pour le plaisir tout en se saoulant copieusement;
- Invité à déjeuner;
- invité à échanger avec le directeur du tourisme et de la culture de la, ville;
- devenu copain avec le curé;
- l’hôte du capitaine des pompiers, le señor Oscar fier avec raison de sa caserne irréprochable.
Se déplacer sur courtes distances
Il est de ces petits plaisirs coupables qui restent accessibles dans les pays moins regardants sur l’ordre et la sécurité que dans nos contrées fliquées où tout est prétexte à tickets, amendes et autre rappels à la loi.
Se déplacer d’un village à l’autre est vrai plaisir.
Les busettes inter-villages
Les transports en commun locaux, les busetas, équivalent des bus urbains constituent mon mode de déplacement préféré. Où que l’on soit sur le circuit de la buseta, il suffit de lever la main pour que le chauffeur stoppe le véhicule et vous fasse monter.
Dites-leur « c’est là que je descends » et ils s’arrêtent pour vous poser pile à votre porte, juste vous et vos sacs, avec le sourire, une petite attention, un mot amical.
Sur mon parcours habituel, en moins de trois jours, ils me connaissaient, m’appelaient désormais par mon prénom, ce que je leur ai rendu avec un grand plaisir.
Merci John, merci Jessi, vous êtes la gentillesse colombienne à vous tout seul…
Les Jeeps et les Chivas
Si votre route passe par un chemin de terre, le transport en commun usuel sera une chiva.
La chiva est un bus en bois aux couleurs chatoyantes dont le moteur est d’une puissante phénoménale. Capable de franchir les pires ornières, on ne monte sur ses bancs que par le côté droit du véhicule et on s’entasse, côte à côte, sagement comme des perles qu’on enfile, six par six, rang après rang.
Pas de porte sur le coté ouvert, pas de fenêtre non plus même en cas de pluie, accrochez-vous le véhicule fait partie du paysage il est en osmose avec la route.
Le confort est d’une rusticité rare, le corps entier subit le cahotement, le dos est malmené, les fesses tassées, il faut souvent s’accrocher à ce qu’on peut, on saute, on s’écrase, on rock, on roll malgré soi…. Il faut 4 h pour faire 40 km parfois 5.
Il arrive aussi que le parcours ne soit assuré que par une Jeep, j’en profite alors pour faire la route sur le toit – jubilation totale -. C’est banzaï bien comme il faut, inconfortable en maudit, dangereux surement, mais c’est une telle transgression selon nos références… que le « parfum d’aventure » prend le dessus sur la sécurité. Arrrriba.
Riosucio est connue pour être le plus ancien centre artisanal du département de Caldas et reconnue pour les nombreuses festivités typiques de la région.
La ville se trouve dans le département de Caldas à 200 km au Nord Ouest de Bogota et 90 km au sud de Medellín.
Riosucio, ou comme l’appellent ses habitants, “la perle d’Ingrumá » est la quatrième commune la plus peuplée du Caldas, après Manizales, La Dorada et Chinchiná.
Les 60 000 habitants de Riosucio vivent principalement de l’agriculture — principalement le café, les bananes et la canne à sucre mais bien d’autres cultures — il n y a qu’à se repaître des paysages vallonnés pour s’en convaincre.
Riosucio a su se promouvoir dans différents domaines culturels.
Lieu de métissage et d’échange depuis l’arrivée des Espagnols dans la région, le noyau de l’artisanat folklorique de Caldas est actuellement issu des communautés indigènes de la communauté pirzas, cumbas, turzagas et emberas dont les réserves sont établies dans la municipalité.
En outre, plusieurs artistes nés dans la municipalité ont eu une importance internationale, notamment le groupe artistique Danzas de Ingrumá — dirigé par l’artiste Julián Bueno Rodríguez — qui a, entre autre, accompagné Gabriel García Márquez pour recevoir, en 1982, le prix Nobel de littérature en Suède.
Que faire à Riosucio?
Riosucio abrite quatre réserves indigènes très importantes :
- Les Cañamono Lomaprieta
- San Lorenzo
- Escopetera Pirza
- La Montana.
La présence indigène et son influence sont particulièrement remarquables dans la production artisanale. ll faut visiter les villages de Portachuelo, El Salado et San Lorenzo.
Produits de la cana brava
C’est une plante robuste très présente dans les tropiques colombiens. Elle a des feuilles longues et étroites et ses extrémités sont en forme d’épis. Une fois séchée on en fait une fibre solide que l’on peut tisser.
- Paniers
- Chapeaux
- Tapis
- Sacs à main
- Poupées
Les chapeaux typiques de Riosucio
À seulement 40 minutes du centre urbain de Riosucio se trouve la communauté de Las Estancias. Cette communauté produit des chapeaux depuis 4 générations.
Les chapeaux Rio, tissés avec de la fibre de canne sauvage affirment l’identité culturelle de la commune et sont aussi le symbole de la partie ouest du département.
Grand amateur de Panama, je me suis laissé séduire par son élégance ( et son fantastique rapport qualité prix…)
La communauté Las Estancias, à Riosucio produit 6 types de chapeaux.
- Le Cañafiestero: le chapeau cañafiestero est spécifique aux fêtes de carnaval.
- Le Tumbaguayabas: comme son nom l’indique :), est porté pour la cueillette des goyaves.
- Le Duendealegre: et la marque présente dans la légende du duende et l’esprit de la forêt.
- Le Guarapero: est le chapeau de la communauté Sipirra, le lieu où se fabriquent les meilleurs modèles de la région.
- Le Carnavalero: ce chapeau est spécial pour vivre et profiter de toutes les festivités et événements du Festival.
- Riosucieño typique: c’est le chapeau le plus typique et le plus courant qui est utilisé tous les jours et que l’on ne trouve qu’à Riosucio.
Où les trouve-t-on?
Ces variétés de chapeaux se trouvent dans les boutiques et sur le marché de Riosucio. Compter 25 000, 100 000 COP. ( max 40$)
Le carnaval de Riosucio:
Tous les deux ans, les années impaires, il fut malheusement annulé en 2021 Covid oblige. (Lire ici le carnaval 2023)
Le Carnaval « du Diable » est un événement de portée nationale et internationale il a été déclarée patrimoine oral, culturel et immatériel de la nation. Il attire de nombreux touristes et stimule une activité économique ponctuelle frétillante.
Origine du carnaval
L’histoire du festival est pour le moins frappante selon la corporation du carnaval de Riosucio:
« Riosucio était divisé en deux communautés antagonistes (La Montaña et Quiebralomo). Leur rivalité était telle que chacun avait son propre parc et sa propre église, jusqu’à ce que les prêtres (José Ramón Bueno et José Bonifacio Bonafont), rassemblent tout le monde dans la Calle del Comercio, les exhortant à s’unir en un seul peuple, sous peine que Satan vienne punir ceux qui ne s’exécutaient pas. Pour célébrer l’union, une fête a été organisée en l’honneur des trois rois mages, c’est pourquoi le carnaval coïncide toujours avec ces dates. Avec le temps, la réunion est devenue une fête pleine de joie, d’humour et de plaisir.
L’importance du carnaval de Riosucio est telle qu’elle est la source de l’identité, de la fierté et du caractère de l’ensemble des locaux.
Il faut considérer que la représentation, la présence du «diable» n’est pas un élément religieux ou anti-chrétien, le diable est l’esprit qui conduit à la danse, à la musique et aux échanges. Il est de plus le trait d’union des trois différentes générations qui ont bâti la région: afro-descendante, indigène et espagnole.
Ce diable rouge rend / honore l’animal auquel les indigènes rendent hommage, le jaguar. Son corps est la forme athlétique des Afro-descendants, et sa tête a les cornes du taureau, symbolisant la présence espagnole.
Il faut venir à Riosucio en janvier pour participer au fêtes, danses et défilés du carnaval.
Traditions indigènes
Riosucio est, enfin, une municipalité où la tradition indigène et l’héritage espagnol se conjuguent, dans une culture qui présente jusqu’à aujourd’hui, comme unité (dans la diversité), un témoignage du métissage en Colombie.
Quels sont les plats typiques de Riosucio?
Deux spécialités se dégagent des traditions de Riosucio:
- Les fesses d’ange,(nalgas de angel) qui sont des boulettes de maïs blanc enveloppées dans des feuilles de bananier et
- Les chiquichoques, ou des boules de maïs blanc farcies de haricots, de hogao et d’épices.
Ne les manquez pas, ni ne manquez les fabuleux expressos servis dans les cafés de la ville.( 35 sous de can$)
Pour des informations touristiques, il manque un office du tourisme mais le señor Béto pourrait bien surseoir à cela dans les mois qui viennent …
Que fis-je à Riosucio?
Pour ma part j’ai exploré la ville de fond en comble et me suis fait des amis:
- Anibal, professeur retraité figure de la ville;
- Béto, Chef du département du tourisme et de la culture;
- Nicolas, adjoint de Béto
- Raoul, le curé de l’église San Sebastian;
- Oscar, chef de la caserne des pompiers.
Grâce à eux (et pleins d’autres) je me suis glissé dans les fêtes publiques (festival de musique, non annulé) et privées, dans la vie quotidienne colombienne et je me suis fait simplifier la vie sur place à bien des égards.
Randos , balade, villages, plantations, commerçant et chauffeurs de busette…
J’ai aussi énormément:
- parcouru les chemins;
- gravis les « topes » à travers ces innombrables valons, pentes, combes et vallées;
- regardé la nature et des milliers de verts disséminés dans le paysage;
- découvert les villages alentours et les plantations de café;
- apprécié la couleur des rues, des chivas, des gens et de la vie;
- Comparé les expressos de chaque café de la ville… fuerte!
À lire dans le blogue Colombie:
- Aller au Sommet du Ingruma , promenade facile
- Gravir le Sommet du Cerro Batéro , une randonnée engagée
Merci au señor Juan ( Jean François) et la señora Sylvia (Sylvie), qui m’ont offert un hébergement d’un confort au-delà de mes attentes à Pueblo Viejo, petit hameau à 2,5 km de Riosucio.
Chronologie du voyage:
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