1: Prenez la plus belle partie du Sahara. Pas le reg plat et caillouteux, non, l’erg dont les dunes orangées se succèdent à l’infini en ondulations vierges de toute végétation. Le Sahara de Théodore Monod (Méharées), celui des caravanes de chameaux qui traversent les immensités de sable en déhanchés nonchalants…
2: Remplacez son sable rouge par du sable blanc. D’accord, c’est du boulot.
3: Ajoutez ici et là des bassines d’eaux limpides qui vont du turquoise au bleu roi selon la profondeur des cuvettes.
Bassines, cuvettes, grosses flaques, mares, appelez cela comme vous voulez. Sur place, les locaux bluffent un peu, ils utilisent carrément lagos (lacs).
Adoptons « lagunes », ça fera l’affaire, en fait, tous ces vocables sont corrects car c’est juste une question de saison.
4: Enfin, débrouillez-vous pour y venir un jour où le ciel est céruléen avec juste ce qu’il faut de cumulus, (pas le chauffe-eau), les nuages moutonneux blanc-Bonux.
Vous obtenez ceci:
Le parc de Lençóis Maranhenses
Je ne vais pas copier-coller l’explication géologique du spot, allez voir ici . Sachez quand même que c’est unique sur la planète.
Ouch!
Vous bondissez de votre Poäng et vous vous dites qu’il vous faut allez poser votre Saint Luc sur l’une de ces lignes de crêtes, en dévaler la pente sur les talons, les bras en croix et piquer une tête dans cette eau douce et tiède… Normal! (Où vont se nicher mes phantasmes!)
Une affaire de saisons
Maintenant, soyons objectifs, c’est la saison des pluies qui remplit les lagunes, c’est la chaleur de l’été qui les évapore, on est d’accord; Y’a pas de miracle!
Si vous venez trop tôt, les retenues aqueuses ne sont que des mares, trop tard elles sont à sec. Idéalement passez par-là en juin-juillet-août,
-Tiens! ça tombe bien, vous êtes justement en vacances.
Ah non? vous voyagez durant l’hiver québécois? Alors vous n’êtes pas au mieux. Dans ce cas, ajustez vos attentes et croisez les doigts parce qu’en février, par exemple… Faut la baraka! Non seulement les lagunes sont rares ou basses, mais en plus, vous allez prendre la pluie durant le trip; Statistiquement, c’est plié.
Barreirinhas
Barreirinhas (65000 habitants) est une ville dont la chance est d’être la porte d’entrée la plus simple pour accéder au parc. Elle présente deux faciès.
- Les blocs sis entre le rio du Preguiças et la rue principale (beaux hôtels, auberges de routards, restaurants branchés, pizzeria italienne, cafés coquets, glaciers, agences de tourisme, Subway (!) large rive et rues piétonnes
- Les rues commerçantes, le marché quotidien, les pousadas, commerces « de tout », les gargotes et bouisbouis aux normes syndicales du pays. Évidemment j’adore!
Bien qu’elle ait encore du chemin à faire avant que sa fréquentation n’entraine une gentrification insupportable, la ville vit partiellement du tourisme.
J’y suis arrivé juste après le carnaval de Sao Luis (5 h en bus)
J’ai pris le lundi pour me poser, prendre la température de la ville, collecter les infos pratiques. Le lendemain fût la journée la plus pluvieuse depuis mon arrivée au Brésil : 24h de déluge sans interruption.
Le jour suivant, j’ai risqué une place dans un pick-up en partance pour le parc, le climat semblait « moins pire ».
À peine sorti du bourg, la pluie s’est invitée, elle a persisté jusqu’en soirée, ne nous offrant que quelques instants de répit ici et là dans la journée.
Lençóis ça veut dire draps
(pas linceuls)
Pendant le trajet, l’enthousiasme ne pointe pas au zénith.
En revanche, une fois au sommet de l’escalier qui donne accès à la dune qui délimite le site, ça fait Wow!
C’est instantané, ça me donne envie de jurer! Bord d’aile de Merle!
Incroyable l’impact que ce panorama impose. À 180 degrés et jusqu’à l’horizon ç’est un KO dès le premier round, un direct du gauche qui me met à terre et calme toutes envies de râler sur les intempéries.
Il n’est plus question que d’une chose, en jouir durant les quelques heures dont je dispose.
Après avoir sagement accompagné le groupe jusqu’à lago Bonito – Selfie en règle – je prends la tangente… avec l’assentiment du guide hésitant:
– não, não me vou perder! (mais non, je ne vais pas me perdre!)
Je fonce droit vers la dune la plus haute à ma portée, la grimpe pleine pente. De là, les crêtes s’enchaînent, il n’y a que quelques pièces d’eaux, mais la fresque de l’enchevêtrement des dunes et des sables ondulés, est à elle seule une scène ensorcelante.
La magie du parfait désert prend le dessus, je randonne cette immensité de dunes blanches, pieds nus, trempé, ce n’est plus qu’un détail. Le sable qui varie du très dur au tout soft glisse sous mes pieds en un massage apaisant qui accompagne chaque pas, c’est hyper agréable.
J’éprouve un enjouement irrépressible qui va perdurer les trois heures de la boucle que j’improvise avant de revenir au groupe… et qui m’émeut encore en écrivant ceci.
Paysage incensé. Splendide nature issue des forces de l’eau du ciel et du vent. Miracle géologique. Merveilleux macrocosme que ces dunes immaculées qui s’étendent à perte de vue. Je m’enivre.
L’erg sculpté par les caprices d’Éole, adopte des formes ondoyantes aux crêtes en vagues irrégulières. Il dessine une harmonieuse topographie aussi aléatoire qu’éphémère.
Difficile aujourd’hui de prendre des photos pour illustrer le propos, écran comme objectif sont trempés, j’ai nulle part où les protéger efficacement. Au début, je sèche le viseur avec mes bobettes en passant par ma braguette de short (ça fait plaisir…).
Je shoote à l’aveugle. Le photophone et mes lunettes trempés limitent toutes tentatives de cadrage. En moins d’une heure c’est fichu, je suis mouillé jusqu’au fond du ben (ça fait pas plaisir…) , je ne fais plus que protéger mon appareil de la noyade.
À ce propos :
J’ai dû travailler les photos de cet article afin qu’elles soient regardables, elles privilégient le relief sur la couleur.
Dans ces conditions de prises de vue, les clichés sont sortis trop blancs, reliefs écrasés, ciel absent… sans intérêt; Cuisante déception!
J’ai donc joué avec des filtres et dû avoir la main lourde sur le contraste. Le sable semble brun… Il n’en est rien.
Je donne les références et remercie les auteurs des vraies bonnes photos empruntées pour cet article.
Cliquez ici pour une vaste collection de photos du parc des Lençóis.
Notes techniques
Le parc national des Lençóis Maranhenses est une réserve naturelle qui s’étend sur 155 000 hectares entre dunes, lacs et rivières. Créé en 1981, il est accessible depuis: Barreirinhas, Santo Amaro et Primeira Cruz.
De nombreux treks (1 à 4 jours) sont proposés par les agences locales (plutôt dispendieux), une partie du parc borde l’Atlantique, on y pratique le Kite surf.
Certains tours d’une journée consistent à aller d’un lago à l’autre en 4X4 ou en quad, c’est tape-cul, feignant et moyennement écolo, on peut faire moins con.
NB: Il existe un autre Lençóis au Brésil qui est aussi un accès clé à un lieu de nature exceptionnel à randonner, le Parc national de la Chapada Diamantina dans l’État de Bahia, n’allez pas vous méler les pinceaux.