Jehanne (comme la pucelle), était une figure du quartier, son salon n’avait tellement plus d’âges qu’on pense qu’il datait des premiers colons.
Elle avait la gouaille des coiffeurs, travaillait au ciseau exclusivement et se souvenait de vous comme si vous étiez son enfant.
Loin des excentricités, elle pratiquait les yeux fermés et contre un billet vert, la coupe pour homme, celle de base, simple et de bon goût. Les options étaient peu nombreuses, la nuque plus ou moins basse, les oreilles plus ou moins dégagées. Ça prenait un quart d’heure et… Auuuu suivant.
C’est Carlos qui a repris l’affaire, un courageux hispano-québécois talentueux et bourré d’initiatives. Courageux… franchement ouvrir un commerce en ce moment…)
Le petit salon en sous-sol a changé d’allure quelque chose entre Rap et Batman au premier abord.
Coup de neuf sur le mobilier, la peinture, atmosphère « noir anthracite » mat et or, fauteuil Pullman, musique groove, journal du jour et Nespresso corsé à disposition ont remplacé la désuétude installée que Jéhanne ne percevait plus.
Carlos joue de la tondeuse en positionnant le siège perpendiculairement au miroir! Le client est niqué, de l’évènement qui se déroule sur son crâne il ne voit rien ! Aucune possibilité d’intervenir de diriger ou limiter le talent du patron. L’angoisse est totale, de même que la surprise en fin de parcours.
Pas pire en fait, même très bien, et du premier coup s’il vous plait.
Après le contrôle de nuque d’usage, la coupe est gratifiée d’un final très ethnique.
Compresses chaudes sur le cou, sent-bon frappé, massage du cuir chevelu, vibration de la masse musculaire du cou incluant trapèzes, dorsaux et deltoïdes. Un peu comme s’il fallait relaxer le haut du corps parce qu’on viendrait de passer 1 h raide crispé sur la chaise de peur qu’elle soit électrique ou éjectable.
Ce final c’est la marque, le plusss marketing du gentil Carlos qui pour l’instant ne facture pas plus que Jehanne. Un vrai deal.