Bon, imagine Philippe,
T’es tranquille en train de biner tes salades au soleil et vl’à ti pas que le métro passe sous ton jardin. Tu t’y attendais pas, hein!? Le tremblement / grondement s’accentue et avant que tu n’aies pu réaliser que le métro à Malleval n’est qu’un vague projet électoraliste de ton mégalo de maire, la terre s’ouvre sur trois mètres, crache d’abord des vapeurs de soufre puis un magma visqueux qui, mine de rien, avale ta brouette sans te demander ton avis…
Tu te dis,
– Ben vl’a aut’chose!
Finalement, tu cours au village prévenir tes copains du conseil municipal.
Dionisio Pulido entre dans l’histoire
C’est ce qui est arrivé à Dionisio Pulido le 20 février 1943, il entre dans l’Histoire avec le sobriquet ronflant de « l’homme qui a vu naître un volcan ». Il est vrai que ceux qui peuvent témoigner d’un tel événement ne sont pas bien nombreux…
Le Paricutin
Le Paricutin est donc le « plus jeune volcan de la planète ». Sorti de terre sous les yeux de Dionisio médusé, l’éruption a duré 9 ans. Elle laisse aujourd’hui:
- Un cône de scories régulier très esthétique à 2800 m d’altitude, (une élévation de 424 m).
- Un cratère parasite (Le Zapichu) surement cancereux car toujours gros fumeur.
- 20 km carré de lave de 20m d’épaisseur.
L’éruption a totalement enseveli deux villages:
- « Paricutín » et
- « San Juan Parangaricutiro » (pas facile à lire 🙂 ).
Enfin, pas tout à fait puisque l’église a partiellement résisté …
L’éruption ne fit aucune victime, la population ayant facilement eu le temps d’évacuer et d’inventer un autre village un peu plus loin.
Fascination
Entre le récit de Dionisio et l’image de cette église qui émerge d’un lac de lave funèbre bordé par une forêt tropicale, c’est tout une fantasmagorie qui motive mon déplacement sur ce site.
Voyez ces articles qui relatent les faits en détail:
(C’est en espagnol, utiliser l’extension de traduction de votre navigateur…)
Tourisme en cadeau de consolation
« Bien pour un mal », le site de l’église ensevelie engendre comme à Notre Dame des laves (dans une mesure mal comparable) une activité touristique qui « console » un peu les descendants d’autochtones déplacés en raison de ces causes géophysiques.
Randonnée
Mon projet est un randonnage qui combine l’itinéraire du plan consultable sur la place centrale de San Juan Nuevo et les chemins pointillés de l’application Maps me, laquelle mentionne un raccourci essentiel à l’étape 4 de mon plan de route :
Depuis San Juan Nuevo où j’ai une chambre:
- Bus jusqu’à Uruapan, 25 mn.
- Second bus jusqu’à Angahuan, 40 mn.
- Marche jusqu’à l’église ensevelie, 1 heure.
- Marche de l’église au volcan, 4 h.
- Grimpette jusqu’au cratère 25mn.
- Revenir vers San Juan 5 h (mais, il y aurait des mouvements de travailleurs agricoles et la chance d’être ramassé sur le pouce est un atout à jouer) – et je suis joueur. –
Sur le papier cela suggère une boucle plutôt sportive dont l’avantage est un dénivelé cumulé qui n’a rien d’affolant. Je l’aborde comme une longue journée de trek à démarrer vers 6h.
Se rendre à l’église San Juan Parangaricutiro
Le bus qui m’emporte à Angahuan choppe une crevaison à 10 mn du but. Je lève le pouce, une auto compatissante me dépose à l’entrée du village sans délais.
Dès l’entrée dans le village, 4 rancheros m’abordent pour me recommander d’aller au volcan à cheval parce-que:
– C’est la seule solution,
– le chemin est difficile à trouver,
– je vais me perdre et,
– comme ils sont pas chers…(800 pesos, une paille!)
Je ne doute aucunement que la chevauchée puisse être plaisante, mais jouer au cowboy n’a jamais été mon kif, ni celui de mon rachis.
Je leur explique, leur réexplique, me lasse d’expliquer et finalement tourne les talons. L’un d’entre-eux s’accroche à mon pas durant 1 km. Il rabâche ses arguments perché sur sa selle.
– Le GPS ne connaît pas les chemins , il se trompe, il va te perdre … Combien tu peux payer?
Tiens tiens! c’est plus 800 pesos?
– Écoute Vieux, tu me l’offrirais que je n’enfourcherais pas ton canasson, j’ai mal au dos et je suis venu pour marcher.
– On va pas galoper, on ira doucement, dis-moi combien tu veux payer?
Je mutisme absolu.
Señor « réponse à tout » finit par lâcher l’affaire et bat en retraite.
À l’extrémité nord du village, un « centre touristique » propose un balcon panoramique (à 15 pesos) qui permet de shooter le site étalé à 1 km à vol d’oiseau. Quelques boutiques de souvenirs, de boissons et d’autres cavaliers à l’affût. Ces derniers sont moins lourdauds que la première série de compadres, ils me fichent la paix.
Je passe tout droit, suis un chemin logique « large comme ça » qui oblique à droite.
Je me demande vraiment comment faire pour me perdre…
En 4 ou 5 km, je ne croise que deux carrefours qui ne laissent aucune place au doute: Faut suivre le crottin!
Le site de l’église San Juan de Parangaricutiro
Ombragée par d’immenses pins, la marche est très agréable, elle ne demande aucun effort. À la sortie d’une courbe, le paysage change aussi brutalement que totalement. La forêt laisse place à un chaos de lave, c’est extraordinaire, mon visage s’illumine, j’ai bien fait de venir, ça a vraiment de la yeule!
Le chemin s’immisce entre les amas de roches noires torturées. Désordonné, chaotique, le paysage n’est pas réel, c’est tellement plus fort que les photos.
Je poursuis ce chemin jusqu’à un petit plat aménagé en stationnement pour les autos et les chevaux. Restaurants de fortune et marchands de cossins, rien de neuf de ce côté-là.
Je franchis les éboulis de lave figée en direction du clocher. C’est impressionnant, l’église est remplie de ce minéral difforme dont il faut négocier les entassements pour rejoindre ce qu’il reste du clocher.
Ainsi que je le fais souvent lorsque je parviens à un but, je pose mon cul un moment et balaye la zone du regard. J’engrange l’étrangeté de cet univers, je souvenire* mieux ainsi qu’avec mon photophone.
D’ailleurs il est tôt, la lumière n’est pas la meilleure pour prendre le petit autel reconstitué à l’intérieur, en haut, près du clocher.
Grimper le Paricutin
Le volcan à beau n’être qu’à 6 km à vol d’oiseau de l’église, son approche contourne en 20 km environ son pourtour de lave pour rejoindre le sentier d’ascension.
Cette approche me semble longue, elle m’attaque les cuisseaux.
Doigts croisés, j’espère être ramassé par quelque pick-up en chemin, mais pas de chance, je m’envoie la distance au complet. Dieu merci, le cadre est fantastique souvent ombragé, il ne mérite aucune critique.
Volcan actif mais pas trop
La popularité du volcan, sa fréquentation a tassé une sente, son approche, son ascension sortent du commun des montagnes.
il passe à travers différentes catégories d’agglomérats, cernés de fumées blanches et fumerolles chargées de lourdes menaces.
Ces résurgences crachent à rythme régulier ces émanations inodores du tréfond de la terre, elles rappellent que le volcan reste actif et ajoutent à la fascination de la journée. Je tente une main dans l’une des sorties pour voir, Caramba, c’est chaud amigo!
Un groupe arrive
Assis au pied de la plus grande des deux croix sommitales, je remarque qu’un groupe d’une vingtaine de personnes va me rejoindre.
Je discute avec les nouveaux venus, repère le chauffeur du groupe et m’enquiers des possibilités de rentrer avec eux…
C’est un groupe de Mexico DF ( La capitale) qui, ayant roulé toute la nuit, s’apprête au pas de charge à visiter plusieurs morceaux du Michoacan avant son retour au bureau lundi matin. Le tour inclut l’ascension du Paricutin avec approche en bétaillère.
Leur guide me montre le couloir de descente, un toboggan de 400 m de sable à courir de préférence! Sublime, fun, ébouriffant, je me jette pour 3 mn de délire dévaleur et hyperbolique. (Je vous ai déjà raconté le principe au Toluca).
Retour assisté
Arrivé en bas, je vide mes chaussures et rencontre le chauffeur de la bétaillère touristique. Je lui demande de me ramener vers le village. Il est pas contre, mais me parle du prix de l’essence… Il ne tergiverse pas longtemps, il a barre sur moi, il veut 200 pesos, le coquin.
Considérant le retard pris à attendre le groupe au sommet, mon retour à pied devient chimérique, je me suis coincé.
Je lui file le billet vert qu’il convoite et que j’avais prévu pour me nourrir et boire un coup dans la journée.
La bande m’accueille avec grande gentillesse et me largue dans le village. Il me reste à prendre mes deux bus pour rentrer. Ce soir, je ne suis pas mécontent d’avoir géré cette folle journée, d’être allé à l’église ensevelie, d’être monté au Paricutin, mais bord d’aile de merle! je suis claqué et j’ai grand faim.
* du verbe « souvenirer » 1er groupe
Chronologie du voyage:
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