Sis à la confluence de l’Amazone et de la Tapajo, plaisante étape entre Manaus et l’océan, Santarèm est une cité tranquille de 300 000 habitants, je plonge avec délice dans son quotidien affairé et m’y sens bien.
Le baladin en moi apprécie:
- Les façades couvertes d’azulejos sur quelques bâtiments coloniaux;
- Deux authentiques marchés populaires très poissonneux;
- Une jolie église bleue, élevée au rang de « Cathédrale de l’archidiocèse »;
- La riche activité commerciale d’un centre bouillonnant auquel il ne manque qu’une paire de troquets à expressos comme je les aime (histoire de s’y rabattre vite lorsque la pluie s’écroule).
Un tour sur la croisette
Street food à foison
La promenade sur la croisette amazonienne locale conduit le promeneur de petits stands de bouffe en glacières-buvettes artisanales.
C’est une ribambelle de micro-vitrines, BBQ de fortune, combi VW adapté et bars dument homologués, prêtes à colmater tout type de petit-creux ou de soifs intempestives.
Bien que bouffe de rue et diététique soient rarement compatibles, le Brésil que je découvre m’impose de montrer un intérêt pour ces bouchées, friands, « pâtisseries » vendues partout et ce, tant en étal mobiles qu’en restaurants d’appoint.
Salgadinos
Littéralement « petites bouchées salées ».
La diversité de ces amuse-gueules/encas m’intéresse pour leur contenu caché.
Je pose toujours la même question «Como se chama? O que tem dentro? *» sachant fort bien que d’une personne à l’autre, (portugais malingre étant) il va m’être compliqué de comprendre 100% de la réponse.
Je prends des notes que je valide plus tard auprès de Taigno, mon gentil logeur.
Présentation:
- Coxinha = beignets panés en forme de goutte d’eau au poulet effiloché : gras!
- Beiju = crêpe de tapioca, j’aime beaucoup quoiqu’elles soient souvent trop margarinées.
- Pão de Queijo = boule de pain au fromage, simple, un poil bourratif, finement goûteux – j’aime beaucoup –
- Espetinhos = brochette de toutes sortes de viandes et abats: gras!
- Pastel = chausson à la viande hachée ou au fromage. Frits, donc gras!
- Bolinho de Bacalhau = un accra de morue doré croustillant à la texture onctueuse, de loin mes préférés.
- Empadinhas = qui n’ont rien à voir avec les empanadas hispaniques, cela ressemble à des petits cakes mais farcis à la bidoche…
- Risoles = des petits beignets salés à la viande hachée ou aux crevettes de forme hémisphérique, eux aussi frits!
- Et bien d’autres…
Sans tout rejeter, je n’adhère pas vraiment à cette culture de la bouchée à 1$, majoritairement graillonneuse et carnée.
Escalier arc en ciel et mirador
De cette sympathique croisette, je repère et emprunte un escalier arc en ciel qui mène à un mirador.
De cette hauteur, on distingue l’Amazone brune (au fond) et la Tapajò claire (devant), bien distinctes l’une de l’autre. Elles s‘écoulent côte à côte bien que partageant le même lit.
Ce phénomène n’est pas exceptionnel sur l’Amazone, la puissance des courants et les débits hors normes sont tels que les eaux de chaque rivière restent délimitées et gardent leur unicité sur de nombreux kilomètres.
(À Manaus, un bateau touristique propose une excursion sur le fil de ces flots indépendants).
Or donc Santarèm?
Depuis quelques années, le routard marque un arrêt à Santarèm surtout motivé par la promesse d’aller s’alanguir sur une plage assez peu ordinaire.
Là, on parle d’Alter do Chao, un quartier satellite à 34km de la ville mère, classé par le très sérieux the Guardian dans le « top 10 des plus belles plages du Brésil ».
Rien que ça.
Alter do Chao
La plus belle plage du Brésil ne se serait donc ni Copacabana, ni Salvador de Bahia. Elle serait amazonienne, fluviale et submersible !
Débat hors de mes compétences, j’apprécie au terme de 50mn d’autobus municipal, cette élégante langue de sable blanc qui émerge et s’avance dans une boucle sableuse de la Tapajo.
Journée de nonchalance entre les bateaux de pêcheurs, le sable fin et la cerveja les pieds dans l’eau douce. Je suis plutôt chanceux d’en profiter car la saison des pluies avance.
Dans quelques jours/semaines, plages, transats, paillotes et bars à crèmes glacées auront disparu, rangés ou engloutis pour 6 mois par la crue annuelle.
Alter do Chao est aussi une des portes d’entrée (par bâteau) dans la Forêt Nationale de Tapajo. On m’en vante tant l’intérêt que j’improvise le lendemain une journée dans cette aire protégée.
La Forêt Nationale de Tapajós
À 1h30 de Santarèm, le bus qui va à Cuiaba lâche le randonneur à l’entrée de ce parc national qui promeut une éducation environnementale et un tourisme durable.
Ce bout de forêt, tenu par la communauté Jamaraqua est l’un des spots très prisés des tours «expérience dans la forêt amazonienne» organisés par les agences de la région.
Différentes immersions toute logistique incluse, proches de ce que j’ai vécu à Iquitos/Nauta sont mises en œuvre par ces autochtones réellement tournés vers un tourisme éco-responsable.
Très « In », hautement recommandables, il me semble que ces tours en forêt profondes sont de grande qualité (attention nuits en hamac uniquement).
Le bon côté du site est que le ticket d’entrée n’est que de 13 reals et que le visiteur âgé que je suis est accueilli à l’oeil.
Les Jamaraquas tentent bien de me vendre un guide accompagnateur pour la journée, mais je résiste et m’engage solennellement à suivre le « sentier d’une journée » à savoir : une boucle balisée de 8km qui traverse 4 environnements remarquables:
- Un bout de forêt humide avec arbres les pieds dans la boue,
- Une partie alluviale inondée à la saison des pluies,
- Une ambiance tropicale ouverte avec notamment des palmiers à vin (Butia capitata),
- Une forêt dite secondaire qui longe la route.
Cet itinéraire est un peu court mais vaut le détour, il a tous les relents de la balade amazonienne écrasante d’authenticité. Hévéas, ceibas géants, troncs poilus, épineux, multi-bases, tentaculaires. On passe du secteur humide, à la forêt primaire par un pont d’allure fragile, je suis accompagné par des oiseaux pendant toute la balade.
Ça manque juste un peu d’animaux mais c’est normal sur cette boucle qui ne s’enfonce pas vraiment dans le vif de la jungle.
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J’ai juste le temps de rentrer au port de Santarèm pour attraper mon ferry et ses 36 heures élastiques en direction de Macapa.