Le Mékong Bamboo Trail, « MBT » pour les intimes, a pour limites officielles le village de Ban Veunkhen au sud et la cité de Champasak au nord. Souvent bordé de hauts bambous, il traverse des paysages agricoles, d’immenses rizières et une flore tropicale versicolore avec vue sur le fleuve et ses îles.
Sillonner ces kilomètres, c’est aussi, pour ne pas dire surtout, aller à la rencontre d’une population laotienne rurale avenante, ouverte et hospitalière.
Parce qu’un tronçon d’environ 60 km est dépourvu de gîte où se poser pour la nuit, cette randonnée est à l’évidence plus adaptée aux cyclistes qu’aux randonneurs.
Partir de Don Det n’ajoute que deux voire trois étapes faciles, exemptes de problématiques logistiques.
Rappel: « Don » signifie « île ».
Je livre la carte de Nicolaos partielle mais détaillée au bas de cet article. Peu pratique pour suivre la lecture, je n’ai pas trouvé mieux pour vous la partager.
Si vous envisagez ce trek, ouvrez la carte gps du dossier très complet disponible en écrivant à infopakse@gmail.com
Enfin, quitte à divulgâcher une part de l’aventure, sachez que je me suis allégé les étapes qui dépassent les 25 km en levant le pouce sur les parties « pistes » ici et là.
Le MBT : les bases
À chaque fois que j’emploie le mot « ferry », ajustez la taille du bateau. Ce ne sont que de longues pirogues à moteur, parfois deux, qui unies, forment une barge. Chacun des passages m’a couté 20 000 Kips (Mars 2025).
Les embarcadères publics sont bien situés sur la carte Maps.me ou organicmap
Soyez flexible sur vos heures de repas, s’il est facile d’acheter régulièrement à boire, votre déjeuner devra s’adapter à une offre plus éparse, plus aléatoire.
De nombreuses « portes de sortie » existent tout au long du trail, il suffit de repérer les ferry qui traversent le Mékong et permettent de rejoindre la route 13, laquelle relie Paksé aux 4000 îles.(Voir la carte en bas)
Le trail/trek se déroule sur deux chemins.
- Une piste de terre qui varie du rouge brique au jaune mayo industrielle.
Large, exposée au soleil et à la poussière des usagers motorisés, on est parfois contraint de la rejoindre. C’est sur ces sections que quelques motos raccourcissent mon temps de marche. - L’autre, le trail, est un sentier qui longe au plus près le Mékong.
Au-delà du chemin et des panoramas remarquables, une enfilade de cours, de jardins, de maisons, de boutiquettes, de temples, d’écoles expose une vie quotidienne de village simple et touchante.
Par son étroitesse et la nature de sa végétation (souvent de hauts bambous, mais pas que), cet harmonieux cheminement reste globalement à l’ombre.
Naturellement, la magie du parcours tient à ce dernier tracé, bien qu’il s’interrompe parfois, buttant sur une barrière privée ou de la végétation non éssartée.Il arrive aussi que l’érosion ait consommé la berge et impose un détour.
Dans ces cas, il y a toujours une jonction vers la piste qui ne se trouve jamais à plus de 50m. Pour revenir sur le trek/trail, il faut emprunter les sentes perpendiculaires qui piquent vers le fleuve.
Progresser avec une carte GPS :
Dans l’absolu, nulle carte n’est nécessaire, c’est le cours du fleuve qui commande; elle est pourtant utile pour rejoindre au mieux
- les embarcadères publics,
- les rares lieux de nuitées et,
- se situer en cours d’étapes.
Rencontrer le Laos rural
Durant ces quelques jours, on traverse une grande quantité de hameaux dispersés, de villages-rue, d’habitats qui s’égrennent sur des kilomètres. Les gens, tous âges confondus, sont toujours accueillants, souriants, curieux. Même affairés, ils se montrent disponibles et serviables.
Ici, je cherche une solution pour la nuit, mais personne ne comprend mes gesticulations. Quelqu’un hèle « Poy Poy » à grands cris (j’appelle aussi les mains en porte-voix ! Ça fait marrer tout le monde ).
Poy Poy, c’est the only mec qui parle anglais dans les alentours.
Il émerge de son hamac, baille, s’étire en me donnant son avis. On trinque, les gens regroupés autour de nous participent à l’échange à coups d’exclamations bruyantes, il est évident que chacun cherche une solution. Mais en vain cette fois !
Là, les gamins jouent dans la cour d’école, un premier envoie un « hello » en agitant la main, puis deux, trois… Ils se rapprochent. Cela devient cacophonique, hilarant, submergeant.
Tantôt lurons, tantôt figés, ils posent pour jouer, pour moi, pour vous.
Là encore, une bande de compères éclusent une caisse de bières, je salue la tablée en passant… Naturellement, l’un d’entre-eux bredouille trois mots d’anglais cabossés mais suffisants pour me tendre un verre et porter un toast, force tchin-tchins à chaque gorgée.
La marche est rythmée par ces interactions qui font oublier la distance et la fatigue qui pourrait s’installer.
L’accumulation de ces petites tranches de vie est une composante majeure du Mékong Bamboo Trail.
Déroulement : des repères sommaires.
Je réalise donc ce petit défi en partant du sud mais je ne saurais que vous recommander de randonner l’étape 5 facile, Champasak – Bubpha Mekong Guesthouse. Elle complétera somptueusement votre visite culturelle du renommé Vat Phou.
Jour 1 : Don Det – Don Khong via Don Som, 18km, nuit au Mekong Inn
De Don Det –> ferry vers Don Som. Choisir le chemin de la côte est (sur votre gauche), c’est un peu plus long, mais si vous voulez commencer par une étape courte ( 2h de marche maximum), vous passerez la nuit au Don Som Riverside. Un guesthouse très propre et très couru… (résa Web conseillée).
Le cheminement bordé du vert lumineux des rizières et de l’ombre des palmiers est tout bonnement éblouissant, flamboyant, heureux de bout en bout.
De là, il faut rejoindre l’embarcadère à l’autre bout de l’île sur la rive opposée.
En sortant du ferry Don Khong – terre ferme, il faut viser le pont, rattraper au plus vite le bord du fleuve, le chemin rejoint une zone d’hôtels plutôt haut de gamme. Je m’arrête au Mékong Inn (200 000 kips sans A/C mais avec piscine, wow!)
Jour 2 : Don Khong – Ban Veunkhen 29km.
À partir de l’hôtel, le trail se poursuit sur 2 km, il faut rejoindre la piste ici asphaltée. Je n’ai vu que cette option.
Cette route s’avère vite tanante, le paysage est moins jouissif malgré quelques reliefs à la végétation sauvage au centre de l’île. Le soleil abuse, l’ombre pas. Aucun village de ce côté de l’île, peu de vie, même la circulation se fait chétive.
Je lève le pouce et gagne 8 km jusqu’au carrefour dont la piste caillouteuse à droite rejoint l’embarcadère.
Ferry vers la rive droite du Mékong.
Arrivée à Ban Veunkhen (sur les cartes cherchez Mounlapamok, Veunkhen n’est qu’un « quartier » de la ville), ou sur l’île de Nangloy .
Deux hébergements sont envisageables:
- Le Véra Sunset sur l’île Nangloy (un petit GH qui fait vite le plein grâce au Web) et
- un autre non répertorié, dénué de talents, qui se situe face au débarcadère du hameau à côté de la pharmacie, (200 000 Kips)
J’ai fait un bout de carte GPS de ces deux étapes accessible ici:
Jour 3 : Ban Veunkhen – Ban Thaséng (ou Tasèng) : 30 km
C’est le début officiel du MBT.
Au quart de cette distance , un dernier ferry franchit le Huay Khala, affluent du Mékong.
Trek et piste traversent de nombreuses habitations invitant à des pauses convivialité, des photos de galopins et du quotidien à accoster.
Avant d’arriver face à Don Say, c’est le Mékong qui cette fois s’éloigne, découvrant une plage infinie dont quelques ares semblent cultivés.
Je rejoins Ban Taeseng.
J’irai dormir chez vous
Il s’agit de passer la nuit dans les parages. Le chemin est bordé de masures et de maisons perchées sur de haut pilotis.
Tiens ! dans la cour de celle-ci, ça ressemble à une fête d’enfants. Musique, jeux, cris et crème glacée à volonté. Je marque un arrêt en curieux, un homme s’approche.
Moi, pas d’allure, les fringues à essorer, le chapeau dégoulinant, je lui demande d’emblée s’il connait un homestay , quelque part où passer la nuit…
Il parle un anglais « classe affaire » et me propose un cola. Je me l’envoie dret‘ comme si j’avais soif.
La conversation s’installe.
Laotien, il habite à Ottawa!
-noooon !?
– si!
Il prend chaque année ses vacances au pays, dans cette maison qui sera bientôt celle de sa retraite.
Il me présente sa petite famille, me propose une douche, me convie à sa table et m’offre sa chambre d’amis. C’est-y pas de la bonne étoile ça? D’autant qu’il rentre en Ontario cette fin de semaine.
J’avais en tête de m’abriter chez l’habitant, c’est vrai, au pire de quémander une natte dans un temple… Mais pas être l’hôte d’une chic demeure comme celle-ci.
Jour 4: Ban Taséng – Bubpha Mekong Guesthouse 30km environ
Sur cette étape le MBT n’a jamais été plus vivant depuis 3 jours, fourmillant, habité, passionnant. Le chemin s’affranchit de plus en plus de la piste, il est bordé des fameux bambous comme nulle part jusqu’ici.
Quatre ou cinq passerelles branlantes compensent l’écroulement des berges ou les faiblesses du terrain.
Des temples, des écoles encore, des familles qui travaillent à l’ombre des gros feuillus.
Je m’approche, m’intéresse, photographie (toujours avec leur acquiescement). Il suffit de dire bonjour pour éveiller la surprise, interrompre la routine et entendre des rires fuser de toutes parts.
Jour 5: Bubpha Mekong Guesthouse (BMG) Huay Hae Village – Champassak 14km
Cette étape, en plus d’être courte, est à placer dans le top 3 du Mékong Bamboo Trek et (bis) si vous visitez Champasak, je ne puis que vous recommander de nouveau de la parcourir comme une randonnée de deux jours (A/R), la nuitée au Bubpha Mekong Guesthouse, face au fleuve, faisant partie de l’expérience.
Depuis le chemin, une barrière donne l’impression que la guesthouse est fermée.
Non non! Pamouane, la maitresse de maison, est bien là. Glissez la barrière sur le côté et entrez.
Radieuse, cette adorable dame est fière de son établissement. Elle reçoit ses randonneurs ou cyclotouristes dans une étincelante auberge de dix chambres dont les tarifs restent dans la fourchette des plus exigeants routards.
Une carte ( menu ) limitée mais bien suffisante, une pergola, des balcons, rien de mieux pour relaxer les plantes de pieds en fin de journée, une bibine dans la choppe.
Elle propose aussi des circuits en boucle à marcher ou à cyclotourister qui rejoignent Don Daeng avant de revenir à la guesthouse. Une journée suplémentaire assurément des plus agréables…(que je n’ai pas prise)
Jour 6 : Champasak – Vat phou – Champasak
2x 9km = 7 heures incluant la visite de cet immense site.
La route est droite, bitumée, rébarbative malgré les commerces… et comme elle ne conduit qu’au temple, lever le pouce, c’est voir s’arrêter les taxis, motos et semlos habitués à facturer 100 000 Kips par voyage. Petits coquins !
Je ne ferai pas ici le procès du tourisme purement cultureux, accoutumé à une clientèle d’âge frippé, plus friquée et moins regardante sur ses coûts de séjour, qui a formaté ces vilains abus tarifaires.
Vat Phou.
Je ne ferai pas non plus un paragraphe sur le Vat Phou, temple préangkorien protégé par l’Unesco, le plus ancien et le plus déglingué du Laos, ce n’est pas le sujet de l’article.
Une tonne de blogueurs dont celui-ci le font mieux que je ne le ferais.