Sans être une horreur intégrale, Medellin n’est ni belle ni touristiquement incontournable. Installée en fond de vallée, l’agglomération s’étale largement dans les combes et sur les flans de ce relief de l’Antioquia qui m’est maintenant familier.
Une chappe de CO2 grise le bleu que devrait afficher le ciel si les hommes étaient raisonnables.
Peu d’architecture remarquable, le centre historique est meurtri par la ligne A du métro aérien, une cicatrice de béton à 12m du sol qui longe le Palacio Nacional Uribe dont la place accueille 23 bronzes monumentaux du maître Botero.
Les musées sont ouverts
En déficit de culture artistico-académique, mon voyage rattrape ici un peu de son retard. À Medellín, les musées sont ouverts, seul le nombre de visiteurs est limité incluant une distanciation dans les galeries qui est bien maîtrisée.
Mes visites tant au musée d’art moderne qu’au Antioquia ou encore à la casa de la memoria furent reposantes et parfaites, un sentiment de privilèges toujours omniprésent, pendant ce temps le Québec vit son pire confinement depuis la début de la crise COVID .
Et pis… tout égoïsme consommé , apprécier une galerie d’art sans se retrouver agglutiné autour des tableaux ou des œuvres majeures de la place, c’est pas pire.
Sept jours au lieu d’une fin de semaine.
Mes 7 jours (au lieu de 2.1/2 planifiés) furent différents et marquants. Pas de rencontre cette fois. C’est partout pareil sur cette planète, plus un lieu est populeux et moins les gens se parlent.
Je compense par le plaisir de circuler dans des foules presque denses, parfois dansantes, dans tous les cas vivantes. Est-ce imprudent dans ce contexte de pandémie mal maitrisée par le pays? Je ne sais plus, je le vis et c’est bon.
La semaine m’a conduit:
- Au Musée de la Casa de la memoria.
L’impact de cette expo sur la violence urbaine que subit la ville durant 3 décennies, modifie drastiquement ma façon d’appréhender Medellin et motive l’allongement de mon séjour. - À la communa 13, une favela désenclavée par des transports en commun exemplaires.
Ex-coupe-gorge le quartier abat aujourd’hui la carte « art de la rue » et s’entouristise tranquillement. - Sur la colline El Morro de Moravia, une montagne de 30 ans de décharge sauvage métamorphosée en jardin d’agrément.
Histoire de la violence urbaine dans l’Antiioquia
L’exposition permanente de ce musée « de la mémoire » est un parcours pédagogique souvenir. Le visiteur prend conscience combien la ville et ses habitants furent martyrisés par la violence urbaine qui fit de Medellin la ville la plus dangereuse de la planète pendant 30 ans.
Cette présentation « souvenir de la violence et de la résistance » est un tissu de témoignages et de versions de la même et terrible histoire. Un recueil de voix de victimes, d’assassins et de témoins parfois passifs mais jamais indifférents.
- Un bâtiment audacieux;
- Une expo éducative;
- Des représentations symboliques et concrètes bien pensées;
- Un ensemble sensible sans être pleurnichard;
- Le tout Informatif, très documenté, très chiffré;
- Une touche artistique grâce à l’intégration d’œuvres photographiques et de textes de journalistes et écrivains.
- Le tout orienté vers un vocable maitre: Réconciliation… porteur d’espoir
Prise de conscience
Le cartel de Medellín, Pablo Escobar, Sicarios, Narcos ne sont pas seulement des films et des séries Netflix. À la fin du XXe siècle, Medellin est la ville la plus violente au monde.
Il y a les cités détruites par les conflits armés, ravagées par les incendies, contaminées par la pollution des nappes phréatiques, matées par la pègre, corrompues à l’extrême.
Il y a des populations terrifiées et terrassées par la réalité de massacres, crimes quotidiens, séquestrations, viols, présence de mines antipersonnel, assassinats, homicides, enlèvements, disparitions, enrôlements de force.
Mais rares sont celles qui ont encaissé le tout simultanément.
Medellín est de celles-là.
L’expo relate cette sombre époques:
- Formes de violence;
- Effets de la violence à son apogée;
- Transformation de la société et de ses valeurs par la dominance du trafic de drogue;
- Exils et migrations;
- Attaques contre la justice;
- Résistance de la culture, de la société et des institutions;
- Réponses de l’art et des intellectuels;
- Réponses du secteur des affaires et de son engagement en faveur de la ville;
- Réponses des femmes;
- Le sport comme alternative, mais pas seulement.
Après cette journée, je reste saisi par l’étendue des dégâts d’une part et la résilience de la population d’autre part.
Medellin se relève de quasi 40 ans de vacarme criminel. Les moyens mis en œuvre pour lutter contre cette impitoyable période tournent autour de trois crédos: l’éducation, le sport et l’art… auxquels il faut ajouter quelques infrastructures intelligentes.
Trois exemples
1.El Morro de Moravia.
Faire d’une montagne d’immondices un jardin paysager.
El Morro de Moravia c’est la réhabilitation d’une décharge sauvage quasi institutionnalisée. Un dépotoir comme on en voit dans les reportages à sensation à propos de Delhi, de Damas, Mexico, Nairobi et beaucoup trop d’autres.
Dans Moravia les gens vivaient sur un « chapeau pointu » sauvage, ils y avaient « bâti » leur masures et y élevaient leurs enfants.
Je ne vous ferai pas un pathos, je colle juste deux photos des panneaux d’infos plantés sur le chemin qui mène à la serre, aujourd’hui sise au sommet.
Sur place le résultat est bluffant
Les panneaux d’info plantés sur le chemin qui conduit au sommet montrent comment les autorités ont réussi à:- Stopper les bennes à ordures et leurs déversements aussi illégaux qu’institutionalisés ;
- Reloger les gens sans violence et pour du mieux… (pas difficile)
- Nettoyer, transformer tout en laissant les immondices sur place (réorganisés, compilés, sécurisés).
J’ai une longue discussion avec les gens qui tiennent la serre au sommet et vendent fleurs, plantes et plans qui poussent sur place. On a envie d’applaudir et de les féliciter mille fois.
J’en repars avec le sentiment qu’impossible n’est pas colombiano.
2.La communa 13
C’est un quartier vissé dans une pente si raide que, faute de possibilité de faire demi tour, les autos empruntent ses rares rues en marche arrière. (Bien sûr, je l’ai vu.)
Rapproché de la ville-centre grâce à la ligne de téléphérique, ce quartier tout en escaliers change de visage depuis 10 ans:
- Il devient le théâtre d’exposition, d’happenings artistiques et musicaux;
- Il se pare de multiple murales entre graph et urban art;
- Il s’équipe d’escaliers mécaniques en plein air, une attraction à part entière;
- Une rue piétonne au 3/4 de la pente belvédère spectaculaire est construite.
Des boutiques de tout, des commerces de pas grand chose, des cafés de bric et de broc, propulsent l’art de la récup’ aux confins des possibles. Une réalité domine, « on recycle, de toute façon, on à rien d’autre« .
Et ça marche, l’oeil pétille d’une fresque à la suivante qu’elles soient signées de maîtres ou simples œuvres enfantines.
De Jardin à Carthagène en passant par Guatapé et bien d’autres villages, la Colombie manie le coloriage de mur comme peu de culture, chaque ville dans son style, dans ses tons, je le constate étape après étape depuis mon départ de Riosucio. C’est une vraie thématique de voyage.
Transport à Medellín
Réintégrer les quartiers pauvres à la ville centre
La ville est extrêmement bien desservie, le réseau des transports publics est constitué:
- D’un métro aérien (unique en Colombie);
- Du réseau « métro + bus » qui possède ses propres voies et gares d’embarquement et ne subit pas la circulation automobile;
- De bus électriques (BYD chinois);sur des axes périphériques moins saturés.
- De 5 lignes de téléphérique;
- Des lignes de bus classiques.
Une seule carte de transport pour l’ensemble, un seul ticket qui donne 1h de trajet quel que soit le véhicule du réseau, « comme chez moi à Montréal« . Une demi-journée suffit pour comprendre et banaliser l’utilisation du réseau tant il est simple et efficace.
Les cabines téléphériques
On les emprunte comme à Megève et aussi simplement que le bus ou le métro. Ces cabines ont permis:
- De désenclaver 7 quartiers isolés, pauvres et ravagés;
- De favoriser le transit des populations vers la ville centre, ses écoles, ses activités sociales;
- Ont permis l’accès aux emplois du centre-ville.
Ces transports faciles et pas chers ont contribué à réduire la criminalité de façon drastique.
Pour les touristes les cabines sont autant d’opportunités d’apprécier la ville depuis le ciel.
( oui cet article manque de chute, j y reviendrai… )
Chronologie du voyage:
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