Jardín Antioquia
En quittant Riosucio pour « Jardín », je savais parfaitement que cela ne ressemblerait en rien à la formidable expérience de vie locale que je m’étais offert en janvier.
Présenté plus touristique, plus organisé, plus coloré, plus… tout…, Je savais aussi que je n’y resterai pas un mois… Je me suis donc donné une semaine pour commencer. Finalement j’ai doublé la mise, le temps de bien savourer sa nature et cultiver correctement mon Jardín.
L’environnement immédiat.
Identique à Riosucio, la province de l’Antioquia est autant voisine géographique que géologique du Caldas. Appuyée sur la même Sierra volcanique habillée de verts plus festifs les uns que les autres, le relief y est sévère, très sévère. Sur une carte comme sur le terrain, pour aller du point A au point B, la ligne droite n’est jamais la distance la plus courte à parcourir, ni la plus reposante.
Parcourues de chemin officiels, il faut pourtant savoir y ajouter les sentiers d’usages, les routes d’alpages et les raccourcis musclés ( face à la pente). Amis asthmatiques n’oublie pas ta Ventoline.
La vie s’écoule cool à Jardín
Prendre le temps, c’est le principe de base du slow tourisme.
En arrivant je me suis dit que la première semaine j’allais lire les blogues de mochiladores ( porteurs de sac à dos = routards) pour me faire une idée, explorer la ville et ses environs proches, puis me jeter sur les randos de base. J’ai aussi assidument fréquenté les cafés de la ville.
Les circuits d’agences sont des promenades du dimanche
À Jardin, les agences de tourisme tentent de caser des baguenaudes censées occuper le visiteur en week-end à la demi-journée. Sachant que le temps passé en jeep ou en motoraton (des rickshaws chinois identiques à ceux de l’Inde) occupent une part essentielle de chaque virée.
Les spots survendus qu’on peut facilement faire à pied :
- El Christo Rey (20mn à pied depuis le village)
- La cascade de l’amour (minuscule et toute proche aussi)
- Cascade de l’Escondida (avec crochet par le tunnel) bof
- Cascade de Escalara (plus sérieux surtout en rappel)
- L’observation des oiseaux au « Parque natural Jardin de rocas» (Très bien mais tout petit)
Exit ces billevesées trop motorisées, je me suis permis de revoir les programmes, transformant ces aller-retours sans envergure et de peu d’intérêt, en boucles randonneuses plus longues et plus amusantes car bourrées d’improvisation. (Merci la géolocalisation et aux cartes en relief de Google).
Des selfies plutôt bien ratés
C’est ainsi:
- que je suis passé sur une paire de Christ,
- ai trouvé une fabrique de Panela (sucre de canne en pavé),
- fûs déçu par la cascade de l’amour, et
- observé un élevage de truites de taille artisanale;
dans le même temps
- j’ai discuté avec quelques travailleurs du café,
- rencontré un grimpeur (un vrai),
- traversé la finca de la señora Magdalena et
- travaillé le « selfie raté ».
Pour raconter Jardín, quelques regards sur le village et ses environs habillent cette page, deux autres articles en sont détachés.
La finca de Doña Magdalena.
Le ferme de Magdalena ne fait pas partie du fameux « tour du café », elle ne se visite pas.
Avenante comme 100% des personnes que je rencontre depuis sept semaines, Doña Magda ne vous laisse pourtant pas passer devant sa porte sans engager une conversation ou/et vous offrir un café.
Ce type de rencontre lui arrive tellement peu sur le micro chemin qui conduit à sa ferme, qu’elle en fut fort surprise peut-être même inquiète pour moi.
Des hectares de caféiers, de plantins et d’arbres fruitiers, quelques poules pour les œufs, un chat contre les souris, c’est ça la finca, le paradis de la famille Bustamante.
Un paradis en pentes qui touchent les 55 degrés. Cela ne vous cause pas forcement, mais sur place 55 degrés c’est vraiment raide, j’ai beau m’y promener presque tous les jours, je ne peux concevoir qu’on plante quoi que ce soit dans ces conditions.
Je sais aussi que mes photos ne rendent jamais la réalité des pentes, tient! pour les alpinistes 55 degrés c’est le couloir Gervasutti dans le Mont Blanc du Tacul).
Pourtant la région est comme cela, cultivée, exploitée, modelée. Ici le paysan apprivoise la montagne, la dompte, la façonne. Le principe de la culture en terrasse n’a pas cours, la sierra n’est pas retaillées, elle n’est « que » cultivées… à la main sur des hectares et des hectares de dénivelé entre 1000 et 2200 m d’altitude.
De loin, ces paysages sont des toiles de maîtres impressionnistes, des compositions issues de la logique des planteurs qui marient les cultures pour qu’elles se complètent, se protègent, cohabitent en harmonie.
Impensable ces cultures? en fait si, ce serait bien d’y penser quand on cale la capsule de Nespresso dans la petite machine à café.
En ce moment les arbustes de Magda sont en fleurs, des fleurs blanches. J’ai traversé ces parcelles, effluves au ras des narines, ça sentait le sucre, inattendu, surprenant, marquant.
Ma rencontre avec Doña Magdalena n’a fait qu’ajouter à mon admiration pour ces vies dures qui ne se plaignent jamais parce qu’elles se nourrissent de bonheurs simples et composent avec la nature.
Sentiment de balade réussie qui ajoute une dame d’une gentillesse immense à ma liste de personnages ensoleillés de Colombie.
Le téléphérique de la Garucha :
Le « téléphérique » de la Garucha est au ravin de Jardin ce que le traversier du Gange est à Calcutta: Dieu (ou Shiva) accompagne votre traversée et « ça tombe bien ». (humour noir, là)
Trois câbles de diamètre 14 tractent et stabilisent une cabine en bois dont on ne veut pas connaître la capacité de poids maximal.
Il est vrai qu’entre les caisses de bières, les sacs de café et le régime de bananes déjà présents à bord, on n’a pas tort d’y réfléchir à deux fois.
D’un autre coté, c’est l’opportunité du grand frisson à pas très cher… Je ne vous en parlerai pas plus, j’avais prévu de traverser à pied de toute façon, 20mn seulement pas forcement perdues.
Suspendu haut et court, la cascade d’Escalara
L’occasion fait le larron dit le proverbe… C’est à la limite du raisonnable que j’ai décidé de me joindre à un jeune couple de Medellin pour une descente de cascade en rappel.
C’est dans l’un des rares restaurants « grano » de Jardín que j’avais croisé Juan Carlos, grimpeur et moniteur de canyoning de son état. Nous avions discouru des opportunités de voies d’escalade dans la région (dont le Penón de Guatepe,) le courant était passé et nos Whatsapp échangés.
Tant de montagnes et si peu de grimpeurs…
Surprise vendredi soir, il m’appelle et me convie à la descente sportivo-récréative de l’Escalara… Un rappel aqueux de la plus longue cascade du coin.
L’escalara c’est un torrent qui chute sur un total de 14 ressauts de 12 et 25 mètres qui s’enchainent sur un dénivelé total d’environ 350m. Nous ne descendrons que les 5 derniers ressauts. Mes comparses aventuriers du samedi sont débutants, tandis que je n’ai pas fait de canyoning depuis Morzine (1997), mais bon, tout le monde le sait : le rappel sec ou trempé, c’est comme le vélo, ça s’oublie pas.
La prestation fut de quatre heures, plus la jolie marche d’approche 2 x une heure, une très belle journée encore.
Je dois avouer que le matin même, je me demandais quelle température afficherait l’eau du torrent après les deux jours de pluie qu’on venait d’encaisser. Finalement 10 degrés au compteur, plutôt raisonnable en combinaison néoprène.
Vous pardonnerez à ce paragraphe de ne pas exprimer de conclusion, de ne pas avoir de chute.
Le parque central El libertador
De son vrai nom le Parc El Libertador, la place de l’église, la plaza principale est l’équivalent du zocalo mexicain, c’est la place la plus importante de la ville. Là où ça se passe.
Une fontaine entourée de huit jolis parterres, disposés en corolle dans lesquels fleurs de saison abondent.
Les arbres, des gaïacs et des fromagers apportent un ombrage salutaire aux bancs publics. Déclaré Monument National en 1985, il me faudra apporter un complément à cet article ou peut-être une page complète spécifique pour vraiment en faire le tour et évoquer… Son importance sociale, esthétique et la marque culturelle qu’elle apporte à la ville.
Outre son église, (la Basilique de l’Immaculée Conception), ses 24 cafés et leur mobilier multicolore, les arbres majestueux et leurs jardinets soignés, la couleur de la place est dominée par des scènes du quotidien dont l’observateur avisé se délectera sans lassitude ni jugement.
- Les chevaux qui paradent d’un pas noble et fier… de 3/4, à l’amble;
- Les cavaliers qui restent sur leur chevaux pour picoler leur rhum ou leur cerveza;
- Les bourrachos qui se couchent sur la rue sans que cela n’émeuve qui que ce soit;
- Les façades de commerces qui rivalisent de couleurs et de propreté;
- Les chaises dont les dossiers en cuir sont peints et signés par les artistes;
- et tellement plus…
Que ce soit en passant, sur un banc ou depuis l’un des nombreux troquets qui entourent la place, il faut garder l’oeil ouvert sur ce foyer d’agitation grouillant au risque de manquer une part essentielle du voyage: la vie quotidienne des villages.
Como eso es la vida en Jardín!
À suivre.
Chronologie du voyage:
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