Le Peñol de Guatapé c’est le monolithe qui de ses 2135m d’altitude domine la région et le lac éponymes, sa forme et son allure ne sont pas sans rappeler le rocher du lion à Sigirîya (Sri Lanka). Un gros caillou posé là, semblant venir de nulle part.
Longtemps déïfié par les populations indigènes, c’est aujourd’hui un spot touristique vénéré par le dieu peso et ses buvettes installées au sommet.
On y monte pour admirer les circonvolutions dessinées par le lac artificiel, conséquence du barrage du rio Nare inauguré en 1961. (Naré, avec un N et sans T à la fin) .
Pour se rendre au sommet on peut:
1- Se payer l’hélico, bruyant, pas écolo pantoute, pas mon style.
1- Payer 20 000 pesos (7$) et monter les 700 marches de l’escalier: 15 min de mini squats pour les rapides, 25 pour les souffreteux.
ou
2- grimper l’une des 5 voies équipées qui parviennent au sommet : 130 m d’escalade pure, majoritairement en adhérence sur un granit noir (mélange feldspath, mica et quartz).
Quatre longueurs cotées 5.10 / 5.11c , ( 6a / 7a), les grimpeurs situeront le niveau.
Entre les deux options, mon cœur n’a pas balancé des masses, j’étais spécifiquement venu pour céder au chant de la sirène.
Ultime défi
Dix ans que je n’avais pas enfilé un cuissard, 10 ans que je regrettais m’être arrêté de grimper sur les couennes de Val David et les voies indoor d’Horizon Roc. Des grimpes amusantes, techniques c’est vrai, mais sans envergure.
Pour raccrocher vraiment, il manquait à mon parcours une ligne qui ait vraiment de la gueule. Et pis… une bonne ligne en Colombie, ça ne se refuse pas.
Le Péñon de Guatapé, sympathique en diable était le parfait défi, son petit coté dent de la rancune (un excellent souvenir de grimpe en Auvergne), m’appelait.
Bien sûr, je me suis demandé ce qui subsistait de mes capacités physiques et techniques de grimpeur et comment j’allai m’en tirer… Était-ce bien « raisonnable »… Si si, je me le suis demandé, mais pas très longtemps.
Logistique
Il fallait d’abord résoudre le problème de logistique posé:
- Aucun équipement d’escalade personnel dans mes 7kg de bagage;
- Pas de compère de cordée;
- Pas de topo de la ou des voies existantes;
- Pas d’info sur les protections, rien sur le type et les distances entre les relais.
En réalité j’étais sur le coup depuis Jardín et ma rencontre avec Juan Carlos, c’est lui qui m’avait conseillé de joindre sergent Sergio Garcia pour sa gentillesse et ses compétences.
Sergio grimpeur et guide.
Je rencontre donc Sergio chez lui, au pied de la Piedra à quelques mètres sous la falaise. On parle des voies, du matériel, de son boulot de moniteur, j’essaye des chaussons issus de son stock. Je trouve une paire de Sportiva qui fera l’affaire.
Tous les éléments convergent vers la faisabilité, son talent est facturé un tiers du coût d’une via ferrata à la Sepaq… On tope-là.
Le lendemain midi à Boisjoli.Bon là, à part Sylvain, je doute que vous ayez la référence
Le lendemain, excité comme une pucelle prête à fauter, je rejoins le mur à la base des couennes d’évaluation, passage obligé avant de se jeter dans la voie.
La première voie « facile », « Aroma de mujer » 5.10a confirme le style de la grimpe: adhérence et friction. Très peu de prises, aucune réglette, quelques petites fissures, une cheminée qui imposent quelques pas en opposition.
Ça passe et confirme que:
- ça va piquer dans les mollets et les orteils sur la distance;
- la peau des doigts va surchauffer.
La seconde voie « la moto » est en fait la première longueur de la ligne que l’on enchaînera si Sergio et moi-même jugeons qu’il n’est pas trop déraisonnable de s’engager vers le top.
On enchaine.
Le niveau de grimpe est élevé sur le 60 premiers mètres. On est d’accord avec Sergio: je ne franchirais les pas difficiles qu’en tirant sur les dégaines, il équipe en conséquence et m’installe même deux pédales, on recôte A1.
On n’est là, ni pour en surbaver ni pour renoncer.
On est là pour 3 h de plaisir, de gaz, de sensations, de vues loin-loin-loin, de partage, de manipulations de corde, de sueur, de soif et de douleurs aux pieds.
Les deux premières longueurs sont vraiment balèzes (5.11c / 7a), épuisantes, exigeantes, douloureuses. Les 2 suivantes sont « un peu » plus tranquilles.
Notre sortie par les balcons du belvédère surprend les quelques touristes qui s’égoportraitisent et se demandent que font les deux aliens en cordes et en mousquetons.
Explications, exclamations, congratulations, selfies, on frôle la séquence d’autographes.
Euphorie
Une sorte de Padar en version lac.
Je profite de la vue depuis la plateforme, cela complète et parfait la promenade. Ce 360 degrés c’est pas de la petite bière, du coup on s’en tape une.
Une heure de repos béat, le regard horizontal droite-gauche-droite comme à Roland Garos mais en nettement plus lent, j’essaye de relaxer mes sterno-cléido-mastoïdiens qui viennent d’en prendre un coup.
On redescend vers 17h, par l’escalier. On se sépare ému, je suis bouffi de reconnaissance, ce type est une pépite de gentillesse et de compétence.
Merci Sergio pour ta capacité à installer une relation de confiance si rapidement, tu es un grimpeur passionné, attentif, communicatif tu as tout compris à ton boulot.
J’ai le cou en transe, le grand dorsal droit fendu, les doigts en feu, je suis totalement secoué par cette fantastique ascension, quasi euphorique.
Dans la soirée, le torticolis s’installe fermement, mon dos se demande pourquoi tant de haine, j’ai un litre et demi d’acide lactique à éliminer, ma nuit et la fin de la semaine seront sévères.
Beh oui, il est certain que je manquais d’entrainement et de préparation physique… Mais quel panard!
Je vais passer le reste de la semaine à flânocher dans le village de Guatapé, le pueblo del zocaló, le village de plus coloré du monde.
Chronologie du voyage:
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